Sénégal: inquiétants larcins en série chez des responsables de haut vol

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Le 22/12/2016 à 16h42, mis à jour le 22/12/2016 à 16h45

Les hauts responsables publics sénégalais font régulièrement voler de fortes sommes d’argent, allant jusqu’à 200 millions de FCFA (300.000 euros) à leurs domiciles. Devant ce phénomène qui a débuté il y a quelques années, certains affirment que le vrai voleur n'est pas celui que l'on croit.

Comment un haut fonctionnaire peut-il se faire voler 150 millions de FCFA (près de 230.000 euros) chez lui ? Pourtant c’est ce qui est arrivé à Dadji Bâ, commandant des Douanes sénégalaises et numéro 2 du bureau de Dakar Pétrole à l’époque des faits. Le 29 novembre 2013, il avait subi un vol de 150 millions de FCFA à son domicile.

Ce qui avait poussé sa hiérarchie à le relever de ses fonctions, avant d’ouvrir une enquête administrative. Depuis lors, il ne s’était rien passé, mais l’affaire vient de connaître un rebondissement avec la convocation du douanier à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Les juges de cette redoutable juridiction ont, en effet, mis en demeure Dadji Bâ qui doit justifier, d’ici un mois, l’origine licite de ces 150 millions de FCFA, d’après plusieurs médias sénégalais.

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Si c’est la première fois que la CREI s’intéresse à ce genre de cas, les vols d’argent aux domiciles de hauts responsables de l’administration ne sont pas une nouveauté. Et souvent, ce sont de fortes sommes qui sont subtilisées. Le phénomène a commencé sous l’ancien président Abdoulaye Wade (2000-2012) avant de continuer sous l’ère Macky Sall qui, pourtant, s’était fixé comme priorité la traque des « biens mal-acquis ». D’où la réactivation de la CREI et le très médiatique procès de Karim Wade.

Avant l’affaire du douanier Bâ, il y a eu plusieurs cas de vols rocambolesques aux domiciles de hautes personnalités de l’Etat. Le 29 septembre 2011, 200 millions de FCFA et des mallettes d’or avaient été volés chez Pape Diop alors président du Sénat, la deuxième institution du pays. Toujours en 2011, le 4 avril précisément, près de 200 millions de FCFA avaient été volés chez l’ancien Premier ministre Idrissa Seck. Le présumé voleur n’était personne d’autre que son fils. Avant cela, en 2010, c’est Me Madické Niang, alors ministre des Affaires étrangères, qui s’était fait délester de «dizaines de millions de FCFA par ses fils pour se payer une luxueuse 4x4 et des prostituées dans un hôtel». Enfin, en novembre 2015, un site sénégalais révélait la disparition de 100 millions de FCFA (plus de 150.000 euros) chez le maire de cette ville sainte de la Tidjaniya, Mamadou Sy Mbengue.

Aucun de ces cas, qui avaient fait les choux gras de la presse à l’époque, n’avait, jusque-là, entrainé une suite judiciaire. La question que beaucoup de Sénégalais se posent c’est bien pourquoi toutes ces affaires de vols à coup de millions de FCFA chez des personnalités qui ont été aux affaires publiques n’avaient pas fait réagir la justice sénégalaise ?

Une partie de la réponse réside sans doute dans le profil des présumés voleurs. Des fils de… L’autre question qui taraude les esprits, c’est d’où viennent ces fortes sommes d’argent gardées dans les maisons de ces responsables ?

L’un des premiers dossiers ouverts par la CREI, après sa réactivation par Macky Sall, a été celui de Tahibou Ndiaye, ancien directeur du cadastre. Reconnu coupable d’enrichissement illicite, il avait été condamné – de même que certains membres de sa famille – à une peine d’emprisonnement de 5 ans assortie de 2 milliards de FCFA d’amende et 1 milliard de FCFA de dommages et intérêts.

S’il est vrai que les agents des douanes et ceux des impôts et domaines sont parmi les mieux payés de l’administration sénégalaise – sans compter les nombreux avantages dont ils bénéficient – les sommes annoncées dans les affaires de vols sont sans commune mesure avec leurs rémunérations. D’où viennent donc ces millions de FCFA négligemment gardés dans des coffres à la maison ? C’est ce que cherchent à savoir les enquêteurs de la CREI. Du moins, pour le cas de Dadji Bâ.

Par Ibrahima Diallo (Dakar, correspondance)
Le 22/12/2016 à 16h42, mis à jour le 22/12/2016 à 16h45