«La place de l’Europe» vient d’être inaugurée à Gorée. La cérémonie qui s’est déroulée, mercredi 9 mai, sous la présidence de maître Augustin Senghor, maire de la ville, a soulevé une vive polémique chez les citoyens sénégalais. Des hommes politiques, des acteurs de la société civile et même des artistes ont unanimement dénoncé cette initiative du maire de l’île qui a remué le couteau dans la plaie de la traite négrière entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.
«Je veux simplement m’assumer. Un bon Goréen ne peut pas dire je suis simplement Goréen, je suis simplement Sénégalais. Cette île, plus que tout endroit au monde, appartient à l’humanité. Son passé appartient au monde entier», s’est défendu le maire, maître Augustin Senghor, en prononçant son discours inaugural. Mais cette argumentation est aujourd’hui battue en brèche par plusieurs citoyens sénégalais qui ne partagent pas la position du maire de l’île.
Bamba Ndiaye, un citoyen sénégalais qualifie «grave erreur» le fait que « la plupart de nos hommes politiques et même certaines personnes à qui on a conféré une parcelle de pouvoir chez nous pensent qu’ils détiennent le savoir par le seul fait de détenir cette parcelle de pouvoir». Selon lui, «c’est ce qui est arrivé au maire de Gorée, Augustin Senghor».
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«Un lieu de mémoire, parce que témoignant d’événements exceptionnels du passé, n’est pas une ville comme Dakar ou New York. Tout ce qui s’y déroule doit être bien pensé afin de ne pas heurter la mémoire de dizaines, de centaines voir de milliers de victimes. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun Européen sensé l’idée d’ériger une «place de l’Allemagne» en plein Auschwitz ou Buchenwald», a-t-il poursuivi, faisant allusion à ce qu’a représenté l’île de Gorée dans la traite des esclaves.
Cette position est partagée par l’artiste rappeur Amadou Barry, alias Duggy Tee, chez qui, l’inauguration de cette «place de l’Europe» à Gorée a soulevé une vive colère. Il y aura toujours «Le field negro (nègre des champs) qui travaille jour et nuit et souffre sans pour autant en bénéficier et le house negro (nègre de maison) qui aide son maître esclavagiste à exploiter, insulter et décimer ses propres frères et sœurs de couleur et de culture. Ce dernier met toujours son maître et les siens au-dessus de sa propre famille», a-t-il dénoncé, paraphrasant Malcolm X sur sa théorie sur les «deux nègres».
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Même son de cloche chez Babacar Touré, un autre citoyen sénégalais. «Un homme sans culture est comme un zèbre sans rayures», a-t-il rappelé, citant un proverbe africain. Selon lui, l’inauguration d’une «place de l’Europe» à Gorée est «une honte». «Pour 100 millions de nos pauvres francs, Augustin Senghor, le maire de Gorée a osé salir la mémoire de millions d’Africains qui, durant 3 siècles, ont souffert des affres de la traite des Nègres, en érigeant une place pour les criminels sur les lieux de leur propre crime. Nos aïeux comme Kounta Kinté, Toussaint Louverture, nos valeureux ancêtres arrachés du sol africain, doivent se retourner dans leurs tombes, eux qui ont lutté jusqu’à leur dernière goutte de sang pour refuser l’esclavage», a-t-il soutenu.