Xessal au Sénégal, Akonti au Togo, Dorot au Niger et au Burkina Faso, Bojou au Bénin, Kobwakana ou Kopakola au Congo et Tcha-Tcho au Mali, le fait de se dépigmenter la peau avec des crèmes est est phénomène répandu dans plusieurs pays d'Afrique.
Au Sénégal, le souci de son apparence, le désir de plaire à son mari, dans une société où la polygamie fait que les femmes se sont lancées dans une compétition effrénée, ou encore le désir de surfer sur la vague de la mode, poussent certaines personnes, hommes comme femmes, à s’exposer à ce danger. pour leur santé.
Tous les moyens sont bons pour accrocher une clientèle adepte du Xessal. ou «Peau impeccable», «Adieu les tâches», «Peau extra-claire», les vendeurs de crèmes éclaircissantes rivalisent d’imagination, de stratégie commerciale et de slogans pour mieux vendre.
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Paradoxalement, la beauté née de l’usage de ces produits n’est que mirage. L’introduction dans le marché des mélanges de produits d’origines diverses, appelés «Laax» au Sénégal, fait encourir de grands dangers pour la santé de leurs usagers.
Dans le quartier Nord-Foire de Dakar, une boutique, où l'on promet «une peau claire» et «un teint extra-clair», à «seulement 20.000 francs CFA» est un des lieux de prédilection de plusieurs femmes qui font usage du Xessal.
Plus inquiétant encore, la majorité des produits proposés contiennent des substances à forte toxicité, comme le glutathion, des corticoïdes, de l'hydroquinone et des produits à base d'acide Kojique, potentiellement hautement cancérigènes, qui devraient être retirés du marché.
Dans cette boutique, certains de ces produits, en vente libre, sont fabriqués par des laboratoires pharmaceutiques, et ne devraient être disponibles que sur ordonnance médicale.
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Sur place, N. Mb, qui a requis l’anonymat, a accepté de témoigner pour Le360 Afrique: «cela fait 15 ans que je pratique le Xessal. Au début, c’était pour plaire à mon mari. Je suis à présent accro à plusieurs de ces produits qui me donnent l’impression d’être plus belle. Mais si c’était à refaire, je n’allais jamais y toucher», confesse-t-elle. Cette quadragénaire conseille même à ses «jeunes sœurs de ne jamais toucher à ces produits qui ont, dit-elle, engloutit tout [son] budget».
Selon une étude réalisée par Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA), le Sénégal, juste après la République démocratique du Congo, est le second pays en Afrique où le Xessal est le plus pratiqué.
Cette dépigmentation de la peau concerne en effet «deux Sénégalaises sur trois», selon cette étude, et engloutit 19% des revenus des ménages dans lesquels elle est d’usage.
Le phénomène est d’autant plus inquiétant que des hommes se livrent à présent maintenant à cette pratique, qui est la cause de certaines maladies comme des graves cancers de la peau, ou, moindre mal, des vergetures et autres cicatrices.
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A défaut de pouvoir complètement éradiquer le Xessal, les autorités religieuses, médicales et administratives semblent s’être donné le mot.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a d’ailleurs émis un communiqué, le 5 novembre dernier, pour inviter les directeurs des radios et télévisions à respecter les textes interdisant la publicité de produits pour le Xessal.
En effet, l’article 112 du Code de la presse interdit l’usage des supports audiovisuels pour faire la promotion de produits éclaircissant.
L'instance, dirigée par Babacar Diagne, abonde donc dans le sens d'un avis émis par le khalife général de Mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, descendant de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur du Mouridisme, qui a interdit la vente des produits éclaircissants dans la ville sainte de Touba.
Il est en effet aujourd’hui pratiquement impossible de trouver des produits dépigmentants dans les étals des commerces de Touba.
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A cause des complications sanitaires que peuvent causer l’usage de ces produits éclaircissants, les professionnels de la santé ont un discours sans équivoque à ce sujet.
C’est le cas du Professeur Fatoumata Ly, présidente de l’Association internationale d’information sur la dépigmentation artificielle (AIIDA).
Pour ce médecin, «des mesures doivent être prises par les plus hautes autorités de l'Etat pour interdire la commercialisation de ces produits cosmétiques dépigmentants, afin d'éradiquer ce fléau».
«Si depuis les années cinquante ce problème reste entier, cela est dû principalement aux dizaines de milliards brassés tous les ans par ce commerce lucratif», dénonce en outre ce professeur de médecine, qui invite «l’Etat prendre à bras le corps ce problème».
En effet, pour le Pr Fatoumata Ly, «aujourd’hui, on gagne peut-être sur la vente des produits dépigmentants, mais demain, la population sera malade et il faudra plus [de ressources], alors que celles-ci sont limitées, pour y faire face».