Partagés entre la déception de n’avoir pas pu voter et la colère d’une défaite évitable, les partisans de Cellou Dalein Diallo résidents à Dakar font beaucoup de bruits depuis la proclamation des résultats provisoires donnant Alpha Condé vainqueur.
Mercredi dernier, plusieurs dizaines de manifestants ont pris d’assaut l’ambassade de la Guinée au Sénégal voulant s’en prendre ouvertement à l’ambassadeur. Ce dernier a dû son salut à la Brigade d'interventions polyvalentes (BIP) de la gendarmerie qui s'occupe de la protection rapprochée des hautes personnalités et qui l'a exfiltré.
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La diaspora guinéenne au Sénégal, forte de plus de 700.000 membres (certains avancent même le chiffre de 2 millions), a été empêchée de voter lors de cette élection présidentielle. Or, étant donné leur nombre important, ces ressortissants auraient pu faire pencher la balance au profit de Cellou Dalein Diallo, car la plupart des Guinéens du Sénégal étant de la même ethnie que lui, ils auraient voté majoritairement pour ce candidat.
Les partisans du candidat malheureux, qui ne baissent pas les bras, ont pris un avocat en la personne de Me El Hadj Diouf. Celui-ci a tenu une conférence de presse vendredi 23 octobre pour dénoncer un "vol orchestré par Alpha Condé, sous le regard complaisant des chefs d’Etats de la CEDEAO" qui, selon le tonitruant avocat, sont ses complices.
Le préfet de Dakar menace les Guinéens d'expulsion
Cet excès d'activisme commence à exaspérer les autorités sénégalaises qui ne veulent pas être accusées de laxisme par leurs voisins du Sud.
Alioune Badara Samb, le préfet de Dakar, a sorti un décret vendredi pour interdire toute manifestation aux alentours de l’ambassade de la Guinée au Sénégal. Une décision prise suite aux protestations de mardi, mercredi et jeudi derniers aux abords de la représentation diplomatique. Il promet, par ailleurs, des sanctions contre les éventuels récalcitrants.
"J’ai sorti un communiqué pour rappeler que l’exercice des libertés publiques, les manifestations, rassemblements et autres sur la voie publique sont régis par des règles précises, notamment par une déclaration préalable obligatoire auprès de l’autorité responsable de l’ordre public à savoir le préfet du département", a-t-il expliqué.
Et d'ajouter: "Sans déclaration préalable, ces manifestations revêtent un caractère d’attroupements qui doivent faire l’objet de dispersion sans préavis. C’est pourquoi j’ai tenu à rappeler que devant cette situation, une décision ferme a été prise, et cela ne sera plus toléré. On demande juste que les gens respectent la loi à savoir la déclaration préalable dans les délais et formes requis pour que la manifestation puisse faire l’objet d’autorisation, même si de manière générale, on n’est pas dans un régime d’autorisation, mais de déclaration".
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Il estime en outre que "ce que nous avons noté hier et aujourd’hui est inacceptable, aussi bien pour des Guinéens, des Sénégalais, des Maliens, ou autres. Dans un pays, chaque résident doit respecter les lois et règlements, faute de quoi, il s’expose à de lourdes sanctions, pouvant aller même pour les étrangers jusqu’à la reconduction aux frontières. Parce que de manière générale, lorsqu’on est dans un pays, il faut respecter les lois et règlements qui sont en vigueur dans ce pays".
Une position qui place le préfet de Dakar du mauvais côté de l’histoire a aussitôt déclaré l’avocat des Guinéens au Sénégal qui estime même que "le préfet en proférant de telles menaces ignore totalement que ces Guinéens bénéficient de la carte d’identité de la CEDEAO qui fait d’eux des citoyens sur leur sol au Sénégal". Me Diouf l'invite à revenir à la raison.
La société civile sénégalaise entre dans la danse
La société civile sénégalaise en conférence de presse ce vendredi, a appelé à une marche pacifique de soutien au peuple frère de la Guinée, le vendredi 30 octobre 2020 à partir de 16 h de la place de la Nation au rond-point de la RTS. Elle réaffirme son engagement à accompagner le Peuple de Guinée dans sa "légitime" lutte pour l’alternance démocratique.
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Différentes organisations, à savoir la Rencontre africaine de défense des droits de l’homme (Raddho), Amnesty International Sénégal, la Plateforme des acteurs non étatiques, le Mouvement Y'en-a-marre, l’ONG 3D, Frapp France Dégage, le Forum social sénégalais, Afrikajom Center, le Collectif des organisations de la société civile pour les élections, se sont également exprimées sur le communiqué du préfet de Dakar qui a menacé d'expulser des ressortissants guinéens qui ont manifesté illégalement devant leur ambassade à Dakar.
"Le peuple sénégalais suit, avec une attention soutenue, les derniers développements de la crise post-électorale en Guinée, marquée par de nombreuses pertes en vies humaines et des dégâts matériels importants. A travers nos organisations, le peuple sénégalais réaffirme son engagement à accompagner le Peuple de Guinée dans sa légitime lutte pour l’alternance démocratique. C’est pourquoi, nous appelons à une marche pacifique de soutien au peuple frère le vendredi 30 octobre 2020 à partir de 16h00 de la place de la Nation au rond-point de la RTS", a déclaré Aline Badara Mboup, membre de FRAPP France dégage.
Interpellé sur la décision du préfet de Dakar, l’ancien coordonnateur du Mouvement Y’en-a-marre, soutient qu’ils ne peuvent pas être expulsés.
"Les ressortissants guinéens au Sénégal ne peuvent pas faire autrement que d’aller manifester leur mécontentement au niveau de leur ambassade à Dakar. La façon dont ils l’ont fait, personne ne peut la soutenir. Peut-être, devaient-ils demander une autorisation, ils ne devaient pas détruire les véhicules d’autrui. Personne n’est d’accord sur ces violences. Cependant, il fallait les encadrer, les aider. On ne peut pas les menacer de rapatriement. Ce sont des Sénégalo-Guinéens. Certains sont nés ici et ont grandi ici", a rappelé Fadel Barro.