A Khartoum sans eau ni électricité, les provisions se font rares

Une épaisse fumée s'élève au-dessus des bâtiments à proximité de l'aéroport de Khartoum le 15 avril 2023, pendant des affrontements dans la capitale soudanaise.. AFP or licensors

Le 16/04/2023 à 12h28

Ils s’aventurent timidement dehors, achètent quelques victuailles et rentrent au plus vite en tentant de ne plus sursauter à chaque explosion: sans eau ni électricité, les habitants de Khartoum vivent sous les tirs croisés depuis 24 heures.

Dans la banlieue nord de la capitale soudanaise, comme ailleurs, personne n’a fermé l’oeil à cause du vrombissement incessant des avions et des frappes aériennes, de l’artillerie ou des combats de rue au fusil automatique ou à la mitrailleuse lourde.

Mais dimanche matin, pour l’un des derniers jours de jeûne du ramadan, sous une chaleur déjà harassante que plus aucun ventilateur ne peut combattre faute d’électricité, Farouq Hassan a tenu à ouvrir sa boulangerie.

«On n’a plus d’électricité, l’eau est coupée mais on continue à travailler», raconte-t-il à l’AFP, en distribuant ses galettes et autres petits pains à des habitants pressés de quitter la rue et ses dangers.

«Enfants traumatisés»

Car les balles perdues ne sont jamais loin. Les combats ont déjà fauché 56 civils depuis samedi, selon le bilan provisoire d’un réseau de médecins prodémocratie.

Parfois même, des roquettes se perdent en route dans cette bataille rangée entre les deux généraux aux commandes du Soudan depuis le putsch qu’ils ont mené ensemble le 25 octobre 2021.

Saad Ahmed, 55 ans, l’a vécu samedi soir. «Une roquette est tombée à dix mètres de chez moi», raconte-t-il, encore sous le choc d’être passé si près du pire avec sa famille.

«Les tirs et les explosions ne s’arrêtent jamais» autour de sa maison, ajoute-t-il.

A Khartoum, les bases de l’armée comme les QG des Forces de soutien rapide (FSR), ces paramilitaires venus de la guerre du Darfour qui veulent désormais déloger l’armée du pouvoir, sont installés au beau milieu de zones habitées.

Sur les réseaux sociaux, on ne compte plus les vidéos prises depuis des fenêtres d’appartements montrant des blindés, des hommes en armes ou des combats de rue filmés en tremblotant.

Dans la ville au ciel chargé de fumée noire, Sanaa Mohammed, 43 ans, redoute le pire. Comme tous à Khartoum Nord, elle a l’impression que la situation est encore plus tendue 24 heures après le déclenchement des hostilités entre militaires et paramilitaires.

«Depuis hier», confie-t-elle, «on vit dans la terreur». «Mes enfants sont traumatisés par le bruit des explosions et le fait qu’il n’y ait ni eau ni électricité aggrave encore plus la situation».

«48 heures de stock»

Pour Farouq Hassan, le boulanger, le pire est peut-être à venir.

Car actuellement, aucun véhicule ne peut relier Khartoum à ses banlieues. Les ponts et les grands axes ont été barrés par les forces armées en prévision des affrontements, ou sont désormais inaccessibles car des combats s’y déroulent.

Les trains venant des autres provinces ont fait demi-tour samedi à l’approche de Khartoum alors que tombaient les informations sur les combats.

Sans transport, les réserves vont fondre dans un pays où l’inflation à trois chiffres, la récession et la pauvreté galopante ont déjà réduit au minimum la consommation et la capacité d’achat des petits commerçants.

«Si les camions d’approvisionnement ne peuvent pas circuler, notre stock de farine ne tiendra pas plus de 48 heures», s’alarme déjà M. Hassan.

Dimanche, visiblement décidées à poursuivre les combats, les autorités ont décrété la journée chômée.

Dans tous les cas, assurent les habitants, personne ne serait sorti.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 16/04/2023 à 12h28