Dans le quartier voisin de Dan Zama, Mohamed tente de rassurer des enfants fatigués d’attendre le retour du courant pour se faire coiffer. «Sourou, sourou» (patience, patience, en langue djerma), répète le coiffeur en arborant de larges sourires.
Mercredi, le Nigeria a annoncé couper l’approvisionnement en électricité à son voisin, en ligne avec les sanctions décidées par les voisins ouest-africains du Niger.
Quelques jours plus tôt, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dirigée par le président nigérian Bola Tinubu, avait décidé de sanctions contre les militaires qui ont renversé le président élu Mohamed Bazoum le 26 juillet.
En plus d’un ultimatum d’une semaine pour rétablir l’ordre constitutionnel et la suspension des transactions financières avec le Niger, la Cedeao a décrété le gel de toutes les transactions de service, incluant les transactions énergétiques.
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En temps normal, Niamey est déjà soumise à des coupures d’électricité régulières dues aux pannes sur le réseau du Nigeria, où la Société nigérienne d’électricité (Nigelec, seul fournisseur du pays) achète 70% de l’électricité qu’elle fournit au Niger, selon un rapport de 2022 de cette entreprise.
Pour alimenter ses abonnés, la Nigelec doit désormais compter sur ses seules maigres productions locales, loin de couvrir les besoins de la capitale et ses près de 2 millions d’habitants.
«Pour le moment la fréquence des coupures - de quatre à cinq heures - est supportable, mais on craint le pire en cas de pannes d’une des turbines», s’inquiète Mohamed le coiffeur, aussi ex-mécanicien.
Pour continuer à travailler, il s’est équipé de tondeuses solaires rechargeables. Mais son chiffre d’affaires a déjà chuté: alors qu’il avait avant «quinzaine» de clients, il n’en a plus que «cinq par jour».
«Tenir longtemps»
Dans l’atelier d’Issa Adamou, situé en face du salon de Mohamed, les machines à coudre électriques sont aux arrêts.
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«On attend impatiemment l’électricité», maugrée Issa, en assénant des coups d’éventail aux moustiques qui attaquent ses pieds.
Dans la pénombre, une rue plus loin, des jeunes prennent du thé dans une «fada» (club), sur fond de croassements assourdissants de grenouilles dans une mare toute proche.
«Le Nigeria doit trouver un autre moyen de pression car nous sommes immunisés contre les coupures d’électricité, on pourra tenir longtemps», argumente l’un d’eux, Aziz Hama.
Mais «ces coupures arrivent au mauvais moment où les prix des produits flambent à cause des attaques (jihadistes) qui perturbent l’approvisionnement du pays», gronde Kadi Moukaïla, une restauratrice. «Les clients ne sont pas contents parce qu’il n’y a plus de boissons fraîches ici», s’énerve-t-elle.
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A Gaweye, sur l’autre rive du fleuve Niger, Elhadj Tidjani, septuagénaire, ne décolère pas: «A cause de ces maudites coupures on n’entend plus les appels à la prière dans les hauts-parleurs».
Dès l’interruption du courant, des groupes électrogènes, de tous gabarits, prennent le relais dans plusieurs commerces, stations services, pharmacies et villas cossues.
Le soir, des petits vendeurs s’installent à proximité des voies illuminées par des lampadaires solaires. D’autres s’éclairent à l’aide de lampes chinoises à piles ou solaires, dont les prix de cessent de monter.
«Sacrifice suprême»
«Il ne s’agit plus de banales pannes électriques, par précaution nous avons acheté un nouveau groupe électrogène en renfort», lance Moussa Abba, patron d’une pharmacie.
«Pour éviter d’énormes pertes, je me ravitaille au minimum», affirme Halidou Jika, vendeur de produits congelés.
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Souley Kanta, manutentionnaire, affirme lui que «les Nigériens sont prêts au sacrifice suprême pour en finir avec le néo-colonialisme».
L’entrée en service le 25 août d’une nouvelle centrale photovoltaïque de 30 mégawatts construite près de Niamey avec un prêt français et un don de l’Union européenne viendra renforcer le potentiel de la Nigelec, assure un de ses responsables.
Dans un discours à la nation à l’occasion du 63e anniversaire de l’indépendance du Niger, ex-colonie française, le chef des militaires au pouvoir, le général Abdourahamane Tiani, a prévenu que «les semaines et les mois à venir seront difficiles pour notre pays».