«Les pouvoirs publics doivent agir dans l’urgence car cette agressivité peut occasionner des tensions sociales irréversibles, une menace pour la paix et la cohésion sociale dans le pays», alerte un leader de la société civile camerounaise.
Ces derniers mois, de nombreux cas de violences perpétrées par des agents de la police municipale sur les travailleurs du secteur informel, notamment les vendeurs ambulants, les «pousse-tout» et les conducteurs de mototaxis, ont été relevés à Yaoundé. Deux incidents tragiques survenus en avril 2024 illustrent cette dérive sécuritaire préoccupante.
Lire aussi : Mobilisation inédite des électeurs camerounais pour les élections
Le 17 avril, un contrôle routier a viré au drame lorsqu’un conducteur de mototaxi et son passager ont été mortellement heurtés par un camion en tentant d’échapper aux forces de l’ordre. Quelques jours plus tôt, un commerçant a perdu la vie suite à une violente altercation avec un policier municipal.
D’un point de vue sociologique et anthropologique, ces abus traduisent des tensions profondes entre les autorités et une frange précarisée de la population, contrainte de survivre dans l’économie informelle faute d’alternatives viables. La période préélectorale accentue également les risques d’embrasement social.
Pour l’ONG Nouveaux Droits de l’Homme (NDH), qui a recensé une vingtaine de cas à Yaoundé, «la coupe est pleine». Cette organisation juge primordial de former les forces de l’ordre au respect des droits humains, une démarche qu’elle a amorcée mais qui s’avère insuffisante.
Lire aussi : Cameroun: à la découverte du marché aux fleurs de Yaoundé
D’un point de vue sécuritaire, ces dérives alimentent un cercle vicieux de défiance envers les autorités, ce qui complexifie le travail de maintien de l’ordre et peut mener à l’escalade des violences. Il est crucial de rétablir un lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre.
Au niveau politique et de la gouvernance, ces violences illustrent des failles dans la formation, l’encadrement et le contrôle des forces de sécurité. Un meilleur équilibre doit être trouvé entre le maintien de l’ordre public et le respect des libertés individuelles.
Économiquement, la situation précaire du secteur informel, qui emploie une grande partie de la population active, est un terreau propice aux tensions sociales si elle n’est pas mieux prise en compte dans les politiques publiques.
Lire aussi : Cameroun: «vêtements indécents» VS «autres temps, autres mœurs»...Le feuilleton continue
D’un point de vue psychologique enfin, la brutalité subie par ces travailleurs précaires engendre traumatismes et ressentiment, des séquelles qui hypothèquent la cohésion sociale à long terme.
Pour apaiser les tensions et rétablir un climat de confiance, des réformes en profondeur semblent indispensables: modernisation de la formation des forces de l’ordre, amélioration du cadre légal et de la surveillance du secteur informel, et réflexion sur des alternatives économiques viables pour cette frange de la population. A défaut, le risque est réel de voir ce cercle vicieux de la violence et de la défiance se perpétuer.