Le M23, groupe armé soutenu par Kigali s’est emparé mercredi d’Uvira, cité stratégique dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), jouxtant la frontière burundaise et le lac Tanganyika, au terme d’une offensive lancée début décembre malgré la signature d’un accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington.
Le Burundi avait déployé 18.000 militaires en RDC pour soutenir l’armée congolaise contre le M23, mais la majorité de ce contingent a désormais repassé la frontière.
Les soldats burundais observent désormais depuis les barrières du poste-frontière de Kavimvira, le retour de plus de 500 de leurs compatriotes civils coincés en RDC par les combats, dans leur pays sous la garde des miliciens du M23.
«Nous avons plaidé auprès» du M23 «pour qu’ils comprennent notre souffrance et qu’ils nous aident à traverser la frontière», affirme Heshimwe Bismas, un citoyen burundais qui attend son tour dans la file.
Le M23 a convié la presse sur les lieux dimanche. Son porte-parole, Lawrence Kanyuka, tient à montrer le retour de ces civils burundais qu’il appelle ses «frères», en bon ordre et dans le calme, alors que l’ONU a mis en garde vendredi contre la menace d’un «embrasement» de la région des Grands Lacs.
Retours
La percée du M23 lancée début décembre, a laissé des traces tout le long de la route nationale 5 menant de Kamanyola à Uvira.
Lire aussi : RDC: la ville stratégique d’Uvira largement contrôlée par le M23, une «gifle» infligée à Washington
Camions de l’armée congolaise calcinés, armes et munitions abandonnées, villages désertés et maisons pillées se succèdent le long de cet axe d’habitude encombré, où quasiment plus aucun véhicule ne passe.
Samedi, ils étaient quelques dizaines de déplacés à cheminer sur le bas côté de la route filant en ligne droite à travers la plaine dénudée de la Ruzizi, où les montagnes se dressent à l’horizon.
Parmi eux, Samuel Masikitiko, pousse péniblement une bicyclette surchargée, où s’entassent sacs de farine, panneaux solaires, bidons vides...
Maintenant que les combats ont cessé, ce père de famille venu de la localité de Katogota a décidé de rentrer chez lui avec son fils, juché au sommet de l’amas monté sur roues.
Pour Samuel et son fils, la fin d’un long périple approche. «Mardi passé, les combats ont été intenses nous avons fui en direction de Sange. Après deux jours passés à Sange, la guerre est venue jusqu’à Sange. Nous avons alors encore fui en direction de Kigube à la frontière avec le Burundi», relate-t-il.
Non loin de là, Yona Were, espère quant à lui retrouver ses trois soeurs, disparues dans la panique de la fuite.
«Je ne sais pas si elles sont mortes ou vivantes. Ma mère est allée les chercher de l’autre côté au Burundi», dit-il.
Plus de 200.000 personnes, en grande majorité des civils, ont été déplacées par les combats, selon l’ONU.
Lire aussi : Politique RDC: le M23 continue sa progression dans l’est malgré l’ire de Washington
Safi Mapendo, une déplacée de Luvungi, dit avoir été forcée de rentrer pour ne pas «mourir de faim». Elle chemine à pied, en portant un lourd paquet en équilibre sur sa tête.
Fouilles
En périphérie d’Uvira, à proximité de la frontière, les étals et les boutiques de Kavimvira, habituellement animés, sont pratiquement tous clos dimanche.
Les habitants de ce quartier situé dans la périphérie d’Uvira, se pressent pour rentrer chez eux avant 19 heures, tandis que les combattants du M23 procèdent à la fouille des maisons, pour débusquer des militaires ou miliciens congolais et burundais ou des caches d’armes.
«La situation ne s’est pas encore rétablie. Nous marchons à pied pour faire des courses. Les taxis se font rare», déplore un habitant sous couvert de l’anonymat.
«Ici même pour trouver là où acheter de l’eau à la boutique, c’est un casse-tête», ajoute-t-il.
Quelques habitants se sont toutefois rassemblés dimanche dans la cathédrale d’Uvira, pour célébrer la messe et prier pour le retour de la paix.
Si un calme précaire est revenu en ville, les combats se poursuivent dimanche à 15 kilomètres au sud, dans la localité de Makobola, située au bord du lac.
Malgré l’ire de Washington, le M23 continue de progresser, et menace désormais les villes de Baraka et Fizi, où se sont repliées les forces congolaises et burundaises.



