Gabon: la fonction publique ou le mythe de la réussite individuelle

Les étudiants gabonais ne pensent qu'à devenir fonctionnaire.

Le 02/06/2024 à 11h06

VidéoFace à l’insécurité des contrats du secteur privé, des milliers de jeunes misent sur les concours de la fonction publique pour devenir militaire, employé de bureau ou enseignant. Le salaire n’est pas mirobolant mais ils aspirent à la garantie d’un emploi à vie complété de quelques avantages dont la retraite.

Selon le projet de loi de finances 2024, la fonction publique prévoit un recrutement de 9.678 nouveaux agents au sein de son administration pour une masse salariale en hausse de 80,6 milliards FCFA. Malgré des chiffres qui obèrent le budget de l’État, certains jeunes, avec ou sans diplôme, rêvent de devenir fonctionnaire dans ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale, «à la fonction publique on a la chance d’avoir des emplois stables avec l’assurance du droit à la retraite qui nous permettra de bénéficier de nos cotisations. D’ailleurs l’exemple nous vient des enseignants qui nous disent qu’ils seront toujours rémunérés. Ceci prouve que si tu as une maladie qui t’empêche d’être au travail, tu auras toujours ton salaire», explique, Christ Moubounda Bivigou, étudiant en Licence 1 en économie à l’Université Omar Bongo de Libreville

A y regarder de plus près, cette génération plus friande d’entreprise n’y voit pas non plus un havre de paix et de sécurité. Kaëla, 23 ans, étudiante en Licence 1 économie, est même contre le recrutement tout à azimut à la fonction publique «Je pense qu’on devrait limiter les embauches à la fonction publique. Nous qui sommes à l’Université, notre première idée en sortant d’ici c’est d’être embauché à la fonction publique au motif de la sécurité de l’emploi et la retraite. Or, nous devons être ambitieux, créer des emplois pour embaucher des personnes», dit-elle.


En termes de reconnaissance des compétences et de perspectives d’évolution, plusieurs jeunes considèrent qu’il vaut mieux faire sa carrière dans le privé, c’est le cas de Biyogue , étudiante à l’université Omar Bongo de Libreville. «Je trouve que la fonction publique cloisonne ses cadres parce qu’il y a pas un cadre évolutif à la fonction publique comparée au secteur privé où on peut partir d’un petit échelon pour atteindre le sommet.», explique-t-il.

Très faiblement peuplé, le Gabon avec plus de 2 millions d’habitants est pourtant le pays de la zone franc qui dispose du grand contingent d’effectifs publics rapportés à sa population. En effet, avec 104 272 agents, les effectifs de l’administration publique du Gabon représentent 5.8% de la population du pays. Le salaire brut mensuel moyen du pays s’élève à 585 538 FCFA. Pas assez pour permettre aux candidats à la fonction publique de rêver forcément d’un mieux être social. Attaché de recherche à l’institut de recherche en Sciences Humaines(IRSH), Juldas se bat néanmoins depuis 10 ans pour intégrer la fonction publique.


«Nous travaillons pour de bonnes conditions de vie mais il faut être bien rémunéré. Lorsqu’on est mal rémunéré, le travail sera toujours mal fait. Ceci est souvent à l’origine des retards et de l’absentéisme au bureau», déclare-t-il.

Le Général Président du Gabon, Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a renoncé à son salaire en tant que président, a mis en place un vaste plan d’austérité pour faire des économies dans l’administration publique auxquelles s’ajoute la chasse aux abus. «Nous le savons, bon nombre d’agents publics occupent une double fonction dans l’administration publique. Cette situation qui relève en partie du clientélisme constitue une injustice puisqu’elle empêche d’autres agents d’occuper des postes à responsabilités», s’était insurgé le général Oligui Nguema en septembre denier. Sur les 100.000 agents publics que compte l’État, il y aurait plus de 20% qui sont des fonctionnaires fantômes.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 02/06/2024 à 11h06