Gabon: les noyades, conséquence des plages sans surveillance et de l’insouciance des vacances

La plage de Libreville.

Le 25/07/2025 à 15h09

VidéoMalgré les promesses et les dispositifs annoncés, le nombre de noyades ne cesse d’augmenter, provoquant inquiétude et colère. En mars de l’année dernière, neuf corps dont ceux de quatre adolescents ont été repêchés sur les plages de Libreville. Ces noyades s’expliqueraient par une «hausse des marées liées aux changements climatiques», selon le ministère de l’Intérieur. Mais la plage est restée ouverte à la baignade.

Le long du littoral de la capitale gabonaise, les miradors vides et les patrouilles absentes symbolisent un système défaillant de la surveillance des plages comme le souligne Laure Dougandaga, une promeneuse rencontrée sur une plage de la capitale «le rôle de la police des plages consistait à prévenir les noyades. Et si cette police n’est plus là, il n’y a donc plus de prévention... et plus de noyades

Cette absence de surveillance n’est qu’un aspect du problème. Pour Elsy Mahinza, également promeneuse, la tragédie s’explique par un double échec, celui de la prévention individuelle et collective. Elle pointe du doigt un manque fondamental: «beaucoup ne savent pas nager et prennent quand même des risques au péril de leur vie. Plus grave encore, il n’y a pas de sécurité sur les plages.»

Face à ce péril, les baigneurs eux-mêmes développent des stratégies de survie. Issa Melole, baigneur, relativise son propre risque grâce à sa maîtrise de la nage, mais son témoignage révèle l’angoisse collective et une solution évidente, «je n’ai pas peur des plages parce que je sais nager, mais imaginez ceux qui ne savent pas nager. Il faudrait déployer les garde-côtes sur les plages!»

Cette demande de présence sécuritaire renforcée fait écho à un passé récent où des mesures avaient été initiées, sans suite concrète. Jérémie Nguema, baigneur, se souvient des promesses non tenues après des drames survenus sur une plage emblématique de Libreville: «Il y a deux à trois ans, il y a eu beaucoup de noyades sur cette plage du lycée Mba. Je crois que c’est pour cela que le gouvernement avait installé un poste de police pour prévenir ces accidents, mais les patrouilles n’ont pas suivi.»

L’insécurité persistante finit par dissuader jusqu’aux visiteurs étrangers, ternissant l’image des côtes gabonaises. Le simple bon sens pousse Nesrine El Midioni, touriste marocaine, à la plus grande prudence, résumant l’évidence tragique, «je préfère éviter de nager parce que s’il n’y a pas de surveillance, forcément il y aura des accidents.»

Les témoignages se rejoignent pour dresser un constat accablant: absence de sauveteurs et de patrouilles régulières, manque de prévention sur l’apprentissage de la nage, dispositifs sécuritaires abandonnés.

Les récentes noyades lors des grandes marées d’équinoxe, coûtant la vie à neuf personnes dont quatre adolescents, rappellent que la solution exige une réponse coordonnée et pérenne: déploiement d’agents (police des plages, garde-côtes), sensibilisation massive aux dangers et à l’apprentissage de la natation, et mise en place d’équipements de secours accessibles. Sans cet engagement, les plages gabonaises resteront un lieu de loisirs à haut risque.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 25/07/2025 à 15h09