Ici, sur ce quai du port de pêche de Boulbinet, en plein centre-ville de Kaloum, le spectacle est permanent. Chaque matin, les pirogues reviennent au port, chargées de poissons argentés que l’on déverse dans de grandes caisses.
Autour, la jeunesse s’active: certains déchargent les caisses, d’autres réparent les filets ou les moteurs en panne. Un peu plus loin, des jeunes façonnent des boules de liège destinées à maintenir les filets au fond de la mer. Ici, il n’y a pas de sot métier: chaque main a son rôle, chaque geste compte pour faire vivre tout un écosystème.
Parmi eux, Naby Laye Bangoura, pêcheur depuis plusieurs années, contemple sa pirogue avec fierté: «C’est ma pirogue qui est arrêtée là-bas, nous sommes au quai de pêche de Boulbinet. Aujourd’hui cette activité de pêche aide beaucoup de jeunes à joindre les deux bouts. Ce sont uniquement des pères de famille qui sont là. Chacun vient pour gagner le quotidien.»
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Autour de lui, les voix se mêlent au bruit des moteurs et au claquement régulier des filets qu’on étend au soleil.
Pour ces hommes, la pêche n’est pas qu’un métier — c’est une bataille quotidienne pour survivre, une façon d’exister dignement. Un peu plus loin, Sayon Sylla, lui aussi pêcheur, partage sa vision de ce petit monde en effervescence: «C’est comme un marché ici. Tu as ton commerce que tu as financé. C’est donc là-bas qu’il faut gratter de petits bénéfices sans toucher au fonds de commerce. C’est comme ça ici, nous investissons dans du matériel, une pirogue, un moteur... pour ensuite tirer profit de l’activité.»
Dans ses mots, on devine l’esprit d’entreprise et la prudence du pêcheur averti. Ici, chacun gère son activité comme un petit commerce, où chaque filet lancé représente un investissement et chaque poisson tiré, un espoir de profit.
Mais les risques sont grands et les coûts de plus en plus lourds à supporter. Sayon Sylla confie: «Le problème actuellement, c’est le matériel de travail qui est très cher. Parfois nous sommes tenus d’emprunter pour acheter ou même dépanner nos outils de travail. Parfois tu gagnes 1 million, la moitié va directement au créancier. C’est avec ça qu’il faut donc jongler pour répondre aux besoins de la famille.»
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Les dettes, les réparations, les pannes imprévues: autant d’obstacles qui grignotent les revenus déjà maigres. Et pourtant, ils continuent à prendre la mer, animés par la même détermination. Mais, même en pleine mer, les difficultés ne s’arrêtent pas: «Une fois en mer, là aussi nous sommes souvent confrontés aux gardes côtiers qui demandent des papiers, le manifeste, les flotteurs... tu as beau donner tous les papiers, si tu ne donnes pas 500.000 ou 1 million... ils te ramènent sur la terre ferme.»
Ces mots laissent transparaître une réalité plus amère: celle d’une activité soumise non seulement aux caprices de la mer, mais aussi à des pressions extérieures, parfois injustes. Malgré tout, aucun ne parle d’abandonner.