Pour «lutter contre le désordre urbain, l’insalubrité et assainir le district d’Abidjan» selon le gouverneur du district d’Abidjan, Ibrahim Cissé Bacongo, le gouvernement a annoncé la suspension immédiate à Abidjan des opérations de déguerpissement. En janvier dernier, date du début du délogement manu militari, le district autonome d’Abidjan avait publié la liste des 176 points noirs où auront lieu ces opérations.
Cette suspension suscite des réactions mitigées au sein de la population. Pour les milliers des délogés de force qui avaient été contraints de quitter leurs lieux d’habitation c’est bien entendu «une bonne nouvelle. Mais il ne fallait pas attendre que des familles souffrent autant avant de prendre cette décision», déplore Adou Patrice, père de famille vivant à Abobo.
Et à Fofana Moussa, vendeur ambulant de renchérir, «si on déguerpit pour de bonnes causes, je ne suis pas contre que le gouvernement continue. Mais, si on déguerpit pour déguerpir et laisser les sites à la merci des herbes, c’est n’est pas acceptable.»
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Si ceux-ci saluent cette initiative comme un geste de bon sens qui semble prendre en compte les réalités sociales, d’autres estiment que la mesure arrive tardivement, après de lourdes pertes pour de nombreuses familles. Ils se demandent par ailleurs si cette suspension marque un véritable tournant ou s’il ne s’agit que d’un répit temporaire.
Un bulldozer en opération lors des déguerpissements à Abidjan.. le360 Afrique/djidja
«Je pense que l’Etat réalise aujourd’hui qu’il a fait une erreur en mettant la charrue avant les bœufs. Il avait annoncé la construction de logements sociaux qui jusque là ne sont pas encore sortis de terre. Je pense que c’est pour cette raison que le gouvernement décide d’arrêter les déguerpissements. Les conditions devraient au préalable être réunies avant de lancer l’opération... Reste à savoir si cela ne va pas reprendre une fois les constructions finies», s’interroge Fofana Moussa, vendeur dans la commune de Cocody.
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Pour Germais Dubois, impacté par l’opération, cette décision semble être une tentative de calmer les tensions sociales tout en reprenant le contrôle de la situation. «C’est parce qu’ils savent les élections approchent qu’ils décident de suspendre les déguerpissements, sinon depuis qu’ils ont commencé, qui a pu s’y opposer?», accuse-t-il. Reste donc à savoir si des réformes suivront pour garantir un urbanisme inclusif et équitable.
Engagé sur la question de la prise en charge des populations déguerpies, le Premier ministre Beugré Mambé a, à la veille d’une réunion interministérielle qui a vu l’annonce de cette nouvelle, effectué une visite du site de recasement des victimes des déguerpissements situé à Adonkoi 1 dans la commune d’Anyama. Pour veiller au caractère social de ces logements, le chef du gouvernement a assuré que le coût du loyer dans ces zones de recasement tiendra compte des capacités financières des impactés.
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Pour ce qui est des personnes impactées détentrices d’un titre foncier, instruction a été donnée au Comité de procéder à leur dédommagement dans les meilleurs délais. En attendant, une chose est certaine, cette décision de suspension des opérations de déguerpissement soulève des attentes fortes pour une meilleure gestion des aménagements urbains et des droits des populations impactées.