Un nouveau corps a été exhumé mardi après-midi, a constaté un journaliste de l’AFP, venant s’ajouter aux 16 découverts plus tôt dans la journée.
Ce bilan est encore provisoire et les enquêteurs s’attendent au pire dans ce qui est désormais appelé le «massacre de la forêt de Shakahola», du nom du lieu dans le sud-est du Kenya où ont été retrouvés les corps de membres de l’Eglise Internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church).
«Nous ne savons pas combien de fosses communes, combien de corps nous allons découvrir», a déclaré mardi le ministre de l’Intérieur Kithure Kindiki, venu sur les lieux.
Selon trois sources interrogées par l’AFP, les cadavres d’enfants figurent en plus grand nombre.
«La majorité des corps exhumés sont des enfants», a déclaré un médecin légiste sur place, sous couvert d’anonymat. «Nous avons exhumé en majorité des enfants, puis viennent les femmes», a confirmé un officier du Directoire des enquêtes criminelles (DCI).
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Selon Hussein Khalid, directeur exécutif de l’ONG Haki qui avait alerté sur les agissements de cette secte, «50 à 60% (des corps) sont des enfants, puis des femmes et enfin des hommes».
«L’horreur que nous avons vue ces quatre derniers jours est traumatisante. Rien ne vous prépare à des fosses peu profondes contenant des enfants posés tête-bêche et enveloppés dans un simple leso (tissu de coton, ndlr)», a-t-il ajouté.
Recherches suspendues
L’ampleur du «massacre» oblige à une pause dans les opérations de recherche de fosses communes.
«Nous ne creuserons pas dans les deux prochains jours pour avoir le temps de mener les autopsies car les morgues sont pleines», a déclaré à l’AFP l’officier de la DCI.
L’administrateur de l’hôpital de Malindi avait indiqué à l’AFP mardi matin que la morgue de l’établissement était pleine.
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Depuis plusieurs jours, des enquêteurs retournent la terre rouge d’une vaste zone de «bush» de 325 hectares où pourraient se trouver des dizaines de fosses communes.
Un enquêteur a affirmé lundi à l’AFP que jusqu’à six personnes avaient été enterrées dans une même tombe, tandis que d’autres corps ont été retrouvés à même le sol.
Poursuites pour «terrorisme»
Trente-quatre personnes ont par ailleurs été retrouvées vivantes, a indiqué M. Kindiki, soulignant «le choc et la douleur» du pays face à cette «acte de barbarie».
Le ministre a évoqué la possibilité de poursuites pour «terrorisme» contre Paul Mackenzie Nthenge, le «pasteur» autoproclamé de ce groupe appelé Eglise Internationale de Bonne Nouvelle (Good News International Church) qui prônait de jeûner pour rencontrer Dieu.
«Ceux qui appelaient à jeûner et mourir mangeaient et buvaient, et prétendaient qu’ils les préparaient à rencontrer leur Créateur», a-t-il fustigé.
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Lundi, le président William Ruto avait qualifié Paul Mackenzie Nthenge de «terroriste» et promis des mesures sévères contre ceux «qui veulent utiliser la religion pour faire avancer une idéologie louche et inacceptable».
Failles
Cette affaire suscite de nombreuses interrogations sur des failles des autorités policières et judiciaires, qui connaissaient le «pasteur» mis en cause depuis plusieurs années.
Chauffeur de taxi dans les années 1990 avant de créer son «église», Paul Mackenzie Nthenge avait été arrêté en 2017, accusé de «radicalisation» car il prônait de ne pas mettre les enfants à l’école, affirmant que l’éducation n’est pas reconnue dans la Bible.
Il avait à nouveau été arrêté en mars après que deux enfants étaient morts de faim sous la garde de leurs parents, qui les avaient ensuite enterrés. Il avait été libéré contre une caution de 100.000 shillings kényans (environ 670 euros).
Il est en détention après s’être rendu à la police le 14 avril, quand les opérations policières ont débuté dans la forêt. Il doit comparaître devant un tribunal le 2 mai.
Ce scandale a également ravivé le débat sur le contrôle des cultes au Kenya, pays majoritairement chrétien où des «pasteurs», «Eglises» et autres mouvements religieux marginaux défraient la chronique.
Kithure Kindiki a affirmé que ce massacre constitue «un tournant dans la façon dont le Kenya gère les graves menaces à la sécurité posées par les extrémistes religieux».