Les vacances à Libreville: l’été de ceux qui n’ont pas les moyens de leurs envies

La Baie des Rois à Libreville.

La Baie des Rois à Libreville.

Le 13/08/2025 à 11h32

VidéoLa capitale du Gabon dispose de deux pôles d’attraction, destinations privilégiées pendant les grandes vacances. Certains préfèrent faire connaissance des fauves au parc animalier alors que d’autres optent pour le front de mer et sa Baie des Rois. Entre les deux, il y a l’été de ceux qui n’ont pas les moyens de leurs envies.

Sous un soleil accablant, Daniella Assoumou et ses enfants franchissent les portes du Parc animalier de Libreville, ancien domaine privé présidentiel reconverti en espace public en 2025. Pour seulement 3.000 FCFA la visite familiale, ils découvrent lions, tigres et panthères, une première pour beaucoup. «C’est merveilleux de voir ces animaux qu’on ne voyait pas avant, mais je dois avouer que le tigre me fait peur», confie l’étudiante.

Baie des Rois: l’évasion à deux vitesses

À quelques kilomètres de là, l’effervescence règne à la Baie des Rois, autre pôle attractif de la capitale. Darel Loumba, originaire du Haut-Ogooué, y a conduit sa famille: «Pour occuper les enfants, on organise des matchs de de football... et on les amène ici !».

Le site séduit avec ses courses de buggy à 2.000 FCFA ou ses après-midi de plage. Mais l’enthousiasme est tempéré par les prix: Hendrix Otando, venu de Port-Gentil, s’indigne: «Une canette de jus à 2.000 FCFA? C’est excessif!» Un paradoxe pour ce lieu censé offrir des loisirs accessibles .

La sédentarité forcée: l’envers du décor

Derrière ces moments de liesse se cache une réalité plus âpre. Darelle Assengone, étudiante du Woleu-Ntem, une des provinces du pays, s’est retrouvée bloquée à Libreville et la raison est toute simple. «Les études de mes sœurs au Maroc et la préparation du bac, me coûte trop cher et ne me laisse pas la possibilité de voyager». Moulendou Nguema, cadre administratif, est également privé de loisirs: «pas d’épargne, pas de congés. Je reste à Libreville».

Ces témoignages illustrent les difficultés qu’éprouvent beaucoup de familles au budget serré, dans une ville où les loisirs abordables manquent cruellement .

Initiatives locales: pallier le vide des infrastructures

Face au désengagement de l’État, les colonies de vacances ont disparu mais des initiatives voient le jour. Le club Académie Flèche organise des entraînements de foot pour occuper les jeunes. «On les met à l’abri des vices», explique son fondateur, Junior Malala. Si la Baie des Rois et le parc animalier offrent des échappatoires, leur modèle mixte (partenariat public-privé) peine à concilier qualité et accessibilité, laissant de côté les plus modestes.

Libreville vacancière dessine deux visages. D’un côté, le parc animalier et la Baie des Rois symbolisent une renaissance des loisirs, attirant sédentaires et familles recomposées autour d’expériences inédites.

De l’autre, ils révèlent les fractures d’une société où la sédentarité est souvent subie. Alors que des enfants courent devant les enclos des lions ou jouent sur le sable de la Baie des Rois, il est urgent de démocratiser l’accès au divertissement, pour que ces «vacances sur place» ne soient plus un pis-aller, mais un véritable choix.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 13/08/2025 à 11h32