Libreville, la toile vivante: quand le street art raconte l’âme gabonaise

Des fresques ornent les murs de Libreville.

Le 24/11/2025 à 08h19

VidéoÀ Libreville, le street art s’est imposé comme une force vive, bien au-delà du simple ornement. Porté par des artistes comme Régis Divassa, il incarne une révolution esthétique et sociale, tissant un dialogue entre la riche culture gabonaise et les enjeux contemporains, transformant l’espace public en une galerie à ciel ouvert et engagée.

Dans les artères bouillonnantes de Libreville, les murs ne se contentent plus de soutenir les bâtiments. Ils parlent, ils chantent, ils crient. Ils sont devenus les pages d’un livre à ciel ouvert, où se déploient des fresques monumentales et des graffitis vibrants. Bien plus qu’une simple décoration, cet art urbain puissant tisse un dialogue entre les cultures, défie les frontières et capte les pulsations d’une société en pleine mutation. Mais que racontent vraiment ces œuvres éphémères? Sont-ils des éclats de créativité pure ou les porte-voix colorés de révoltes et d’alertes?

Pour les usagers qui arpentent quotidiennement la ville, comme Garel Boudou, cette galerie d’art à ciel ouvert est un spectacle à la fois fascinant et énigmatique. S’il admire la beauté des fresques, il reconnaît que leurs messages ne sont pas toujours immédiatement accessibles à tous.

«Les messages véhiculés par ces dessins ne sont pas accessibles à tout le monde.... Mais on peut faire simple: c’est-à-dire promouvoir les alertes contre l’insécurité dans la ville, les violences en milieu scolaire, les pandémies y compris la sensibilisation à la prévention des accidents sur la route», explique-t-il.

Si cet art interpelle le passant, il est pour d’autres le fruit d’une démarche artistique profonde et réfléchie. Au cœur de cette effervescence créative, un nom s’impose: celui de Régis Divassa. Artiste-plasticien formé à l’École nationale d’art et manufacture (ENAM) de Libreville, ancien décorateur pour la télévision nationale, Divassa a affiné son art en France avant de revenir imprégner les murs de sa ville. De ses débuts dans le graffiti à son statut actuel d’artiste multidisciplinaire, il puise son inspiration aux sources les plus vitales de son identité.

«En tant qu’africain, ma première source d’inspiration c’est d’abord la culture, à laquelle s’ajoutent les interactions issues des rencontres, les influences que j’ai eues durant tout mon parcours. Tout ce que je réalise part d’un rêve. On ne sait pas quand est-ce qu’on rêve. Si vous allez vous coucher tout de suite, certainement que vous allez rêver, mais est-ce que tout le monde retient son rêve? Moi j’essaie de retenir tout ce que je vois et le matérialise pour le rendre éternel», confie l’artiste.

Avec déjà une cinquantaine d’œuvres à son actif et l’ambition d’atteindre la centaine, Régis Divassa ne regarde pas seulement vers les murs. Son principal défi? Organiser une exposition itinérante pour enseigner et transmettre son savoir-faire à la nouvelle génération, assurant ainsi la pérennité de cet héritage visuel.

Ainsi, le street art en Afrique, et particulièrement à Libreville, incarne une véritable révolution artistique. Loin d’être un simple ornement, il est un langage universel. Porté par des artistes souvent issus des quartiers populaires, il affirme avec force une identité culturelle, tout en servant de caisse de résonance aux enjeux politiques, sociaux et environnementaux. Chaque coup de pinceau, chaque jet de bombe est une revendication, un témoignage indélébile de notre époque, transformant l’espace public en une arène de débat et de beauté.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 24/11/2025 à 08h19