Mali: fruit du travail des forgerons, l’araire a encore de beaux sillons devant elle

Charrue à traction animale.

Le 28/06/2024 à 11h34

VidéoLa charrue à traction animale, outil agricole ancestral symbolise la résilience des sociétés rurales maliennes et témoigne du savoir-faire des forgerons. Pour ces dernier, la fabrication de l’araire représente bien plus qu’un métier, c’est un patrimoine forgé au siècle des siècles.

L’hivernage débute au Mali. Les paysans se préparent pour entamer la saison pluvieuse. Pour cela, beaucoup viennent acheter de nouveaux équipements parmi lesquels dabas, charrues, semoirs, herses... pour l’utilisation desquels, le tracteur est indispensable. Qu’il soit à roues ou à chenilles, cet engin est hors de prix pour de nombreux exploitants agricoles maliens. Habitués au dur travail de la terre, ils n’ont d’autre choix que de creuser leurs sillons avec des moyens rudimentaires dans un pays où l’agriculture emploie près de 80% de la population active.

Malgré les progrès de la mécanisation, de nombreux petits exploitants continuent d’avoir recours aux outils traditionnels, perpétuant un savoir-faire ancestral indispensable à leur subsistance. La mécanisation des travaux agricoles est plus développée pour les cultures à haute valeur ajoutée, comme le souligne un documents du ministère de l’agriculture de 2019: «La mécanisation est plus développée dans les périmètres irrigués rizicoles, et dans les zones cotonnières, qui ont bénéficié davantage d’investissements et d’accompagnement que les autres zones de production basées sur les cultures sèches dont les rendements sont trop bas et les prix de vente insuffisants pour justifier les investissements en équipements agricoles».

Un outil encore Indispensable

La charrue à traction animale, cet instrument rustique mais essentiel à la préparation des champs, représente un véritable gagne-pain pour de nombreuses familles maliennes. Siaka Sanogo, jeune forgeron bamakois, en fabrique chaque année des dizaines, soutenant ainsi toute une économie locale.

La confection d’une araire est un travail éprouvant nécessitant environ deux heures de labeur acharné. Le forgeron doit d’abord se procurer de la ferraille, dont le prix fluctue entre 350 et 500 FCFA le kilo, dans un contexte sécuritaire et économique tendu. Vient ensuite le façonnage minutieux de chaque pièce, martelée et forgée à la force des bras.

Le résultat, vendu environ 17.500 FCFA (27 euros), est un outil robuste mais rudimentaire, témoignage d’un savoir-faire ancestral transmis de génération en génération. Pour ces forgerons, il s’agit d’un métier à part entière, un patrimoine représentant bien plus qu’un simple gagne-pain.

Si la mécanisation progresse au Mali, la charrue demeure indispensable à de nombreux petits exploitants aux moyens limités. Après le labour, réalisé grâce à cet instrument, les paysans utilisent le semoir ou la daba pour les semis, puis la herse pour aplanir le sol et favoriser la germination.

Face aux défis posés par le changement climatique, nécessitant l’adoption de variétés précoces mieux adaptées, cet outil traditionnel reste crucial. Il permet aux producteurs de préparer leurs champs dans les meilleures conditions, même avec des ressources limitées.

Au-delà de son utilité pratique, la fabrication artisanale de charrues à traction animale revêt une importance économique et culturelle majeure au Mali. Elle soutient tout un pan de l’artisanat local et contribue à la préservation d’un riche patrimoine immatériel.

Et voilà un témoignage qui résume la place du forgeron dans la société malienne: «Lorsqu’une femme faisait des fausses couches répétitives, et si elle arrivait finalement à avoir un enfant, il était confié à un forgeron en adoption pour, selon la tradition, maximiser ses chances de survie. J’ai moi-même adopté deux garçons comme cela, tous deux sont aujourd’hui des adultes et continuent de pratiquer le métier de forgeron.»

Par Diemba Moussa Konaté (Bamako, correspondance)
Le 28/06/2024 à 11h34