Mauritanie: la rentrée des classes sur fond de crainte de disparition de l’enseignement privé

Visite des autorités en charge de l'éducation dans une école de Nouakchott.

Le 08/10/2025 à 12h40

VidéoLes écoliers de Mauritanie ont repris le chemin des classes. Une rentrée sur fond de crise aigue, avec la crainte de voir disparaitre l’enseignement privé.

Le 6 octobre dernier, les élèves mauritaniens ont retrouvé les bancs de l’école après plus de trois mois de vacances. Cette rentrée s’est déroulée dans un contexte marqué par l’ambition du gouvernement de voir l’enseignement privé s’éteindre au profit de l’école républicaine, une promesse du président Mohamed Cheikh el Ghazouani.

Pour concrétiser cet objectif, la loi d’orientation du système éducatif, adoptée en 2022, rend désormais l’inscription obligatoire dès l’âge de six ans. Elle prévoit surtout que l’enseignement primaire soit progressivement réservé aux écoles publiques.

D’ici les trois prochaines années, la Mauritanie ne devrait plus avoir d’écoles primaires privées. Cette perspective entraîne une vive colère dans le secteur privé, qui voit ses classes disparaître progressivement.

Pourtant, l’école publique est loin d’être à même d’assurer la relève: infrastructures et ressources humaines insuffisantes, pédagogie inadaptée, forte déperdition scolaire...

Amadou Sarr, directeur des études d’un établissement privé, qualifie cette rentrée de «morose». Il déplore la décision de la loi d’orientation de supprimer l’enseignement primaire privé. Selon lui, cette mesure conduira à la fermeture de toutes les écoles privées. Il explique: «La filière ne peut prendre la responsabilité d’inscrire en première année du secondaire des enfants dont on ne sait pas d’où ils viennent. Le privé formait des élèves depuis le fondamental à travers une véritable pépinière encadrée sur plusieurs années». Cela devient impossible avec la réforme, alors que «80% des admis à l’entrée en sixième, au brevet et au bac viennent du privé».

Malick Diagne, responsable d’une école privée et professeur de philosophie depuis prés de 50 ans, va dans le même sens: «En considérant le nombre d’élèves inscrits dans le secondaire, les frais de scolarité et le salaire des enseignants, l’enseignement privé ne fait pas de bénéfices. Il subsiste uniquement grâce au cycle fondamental. Or, la suppression des deux premières années du primaire privé a déjà entraîné la disparition de la troisième année. Si cette tendance se poursuit, l’ensemble du fondamental privé va disparaître. Cette disparition rendra la prise en charge des frais de scolarité du secondaire quasi impossible pour les établissements privés

Ce constat laisse entrevoir d’importantes pertes d’emplois dans le secteur de l’enseignement privé.

Par Amadou Seck (Nouakchott, correspondance)
Le 08/10/2025 à 12h40