«Le patrimoine africain doit pouvoir être exposé en Afrique» avait déclaré le chef de l’Etat français, le 28 novembre 2017 à Ouagadougou devant un parterre d’étudiants, avant de rompre avec plusieurs décennies de discours officiels français. «Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine Africain en Afrique».
Aujourd’hui, sauf miracle, cette promesse restera dans la longue liste des nombreuses promesses non tenues d’Emmanuel Macron vis-à-vis de l’Afrique.
Masques africains
Six ans après cette déclaration qui avait pourtant suscité beaucoup d’enthousiasme, le rapatriement en Afrique des œuvres d’art volées au continent par les colons occidentaux durant la colonisation demeure encore un immense chantier. Les chiffres donnent le tournis. Rien que dans les musées publics en Europe dorment encore plus de 500.000 pièces, selon Bénédicte Savoy, historienne de l’art française dans un média français.
90% du patrimoine africain se trouve en dehors du continent
D’après l’auteure de Le long combat de l’Afrique pour son art. Histoire d’une défaite post-coloniale (Editions du Seuil. 2023) ce chiffre est de 30.000 œuvres aux États-Unis sans compter les objets entre les mains du Vatican et des collectionneurs privés dont on ignore encore le nombre.
En gros, le bilan est maigre puisqu’on estime qu’entre 85 et 90% du patrimoine africain se trouve en dehors du continent. On ne retrouve qu’une petite dizaine de milliers de ces œuvres dans les musées au Sénégal ou au Bénin, et ce malgré l’activisme très intense des Africains qui ne date pas d’aujourd’hui.
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Si depuis les indépendances les pays africains réclament le retour de leurs trésors, le mouvement s’est intensifié ces deux dernières années notamment du côté des autorités béninoises qui ont pu par exemple ramener les 26 trésors royaux d’Abomey, pillés par les troupes coloniales françaises au XIXe siècle. Toutefois les négociations demeurent âpres entre l’ancienne puissance coloniale et ses ex-colonies qui doivent user de toute leur force pour franchir les nombreux obstacles placés sur leurs routes.
Le rapport Sarr-Savoy
Le marché de l’art européen et français en particulier demeure très réticent. Demandé par l’Elysée, le rapport Sarr-Savoy, comme son nom l’indique produit, par l’écrivain sénégalais Felwine Sarr et l’historienne de l’art Bénédicte Savoy, avait émis l’idée de rapatrier 46.000 œuvres sur les 70.000 qui se retrouvent au Musée du Quai Branly. Plusieurs voix, soutenues par des sénateurs français, se sont levées pour s’indigner de la démarche. Dans certains cas, les cultures déposées se heurtent au principe du droit patrimonial français, qui garantit l’inaliénabilité et l’insaisissabilité des objets en question.
Par ailleurs, constatent Sarr et Savoy, «près des décennies, voire parfois des siècles d’absence, se pose naturellement pour les sociétés concernées par d’éventuels retours d’objets la question fondamentale de leur réappropriation symbolique »
Or, estiment-t-ils, «Pour les nations africaines, il sera dans certains cas possible de retrouver le contexte culturel et esthétique des œuvres une fois celles-ci restituées.» Se pose également la question de savoir si les musées africains sont aptes à accueillir les œuvres restituées.
A ce propos, plusieurs pays africains ont développé ces dernières années des politiques culturelles. L’inauguration en 2018 à Dakar du musée consacré aux «civilisations noires», d’une surface de 14.000 m2 pouvant accueillir 18.000 pièces est un exemple patent.