Réforme de la retraite au Gabon: ce saut dans l’inconnu qui fait peur aux actifs, aux chômeurs et aux... retraités

Les autorités gabonaises veulent faire passer l’âge de la retraite à 62 ans, contre 60 ans auparavant.

Le 07/12/2024 à 13h25

VidéoLa réforme en vigueur depuis février dernier permettra d’augmenter les pensions de retraite en moyenne de 30%, c’est du moins le vœu des autorités de transition. Mais au préalable, il faudra cotiser plus et travailler deux années supplémentaires. «Quand allons nous pouvoir travailler» se demandent les jeunes dont 36% sont chômage.

La décision, prise en début d’année, de faire passer l’âge de la retraite à 62 ans, contre 60 ans auparavant n’est pas la seule mesure contenue dans le nouveau régime de pension. Le ministère des Comptes publics explique que l’État a décidé de cotiser 3% de plus par rapport au taux précédent et de prélever 1% de plus aux agents actifs soit respectivement 18% pour l’État et 7% pour les fonctionnaires afin «d’augmenter les pensions retraite en moyenne de 30%, de passer de 3 actifs pour 1 retraité contre 6 actifs pour 1 retraité

Aussi optimistes soient-elles, ces mesures peinent à convaincre actifs comme retraités. Jean Noël, un jeune homme en décrochage scolaire, y voit une obstacle supplémentaire pour trouver un emploi pour les diplômés sans emploi. «3 Gabonais sur 4 ont ne souhaitent pas aller en retraite. L’allongement de l’âge de départ à la retraite limite les recrutements à la fonction publique», s’indigne-t-il. Le Gabon affiche 36% de taux de chômage de la jeunesse, soit l’un des plus élevés d’Afrique subsaharienne selon l’Organisation internationale du Travail.

Toutefois, les salariés ont apprécié cette mesure qui leur permet d’être actif durant deux années supplémentaire et surtout de se garantir des revenus stables. Au Gabon, à l’instar des autres pays africains, la retraité est appréhendée par de nombreux salariés car synonyme de perte de revenus devant des dépenses qui ne font que gonfler.

Un fonctionnaire retraité perçoit une pension de 230.000 francs CFA (soit 350 euros) alors qu’il avait un salaire de 900.000 francs CFA (1.371 euros). Ceux qui touchaient 1.320.000 francs CFA (2.012 euros) de salaire d’actif, reçoivent 378.000 francs CFA (576 euros) une fois mis à la retraite. Des allocations qui illustrent le calvaire dont se plaignaient les retraités.

Séraphine vient de prendre sa retraite après 38 ans de service au Trésor public. Tout en se réjouissant de la nouvelle réforme des retraites au Gabon, elle regrette de n’avoir pas eu la moindre reconnaissance des autorités. «Les salaires sont minables dans la fonction publique par rapport au privé. Cette situation ne favorise pas l’épanouissement social des employés de l’État. Certains partent en retraite sans avoir même construit une maison», dit-elle.

Une première pension après 25 ans de retraire

Pendant de nombreuses années, les retraités étaient confrontés, à intervalles réguliers, à des retards, voire des défauts de paiement de certains de leur trimestre aggravant de manière conséquente leurs difficultés financières.

À 81 ans, Joseph sort d’un long parcours de combattant. Retraité depuis 1999, ce n’est que cette année qu’il a pu bénéficier de sa première pension, témoigne-t-il. «On me demandait de fournir beaucoup de pièces pour bénéficier de ma retraite. Ça m’a compliqué la vie au point que je n’ai pu rejoindre mon village, obligé que j’étais de rester en ville pour régler ces histoires de paperasse/ Beaucoup de mes collègues sont même décédés sans avoir jamais touché leur pension retraite», déplore le vieil enseignant, à la retraite.

Cette décision de rallonger de deux l’âge de départ en retraire intervient plus de 12 ans après la dernière modification le 29 décembre 2011, limitant le départ à la retraite à 60 an. Avec environ 83.000 fonctionnaires et 24.000 pensionnaires, le système de protection sociale du Gabon enregistre des évolutions inquiétantes. Partenaires sociaux et autorités du pays sont donc d’avis que l’allongement de l’âge de départ à la retraite permettra de renflouer les caisses et assurer la pérennité des pensions adossées au nouveau système de rémunération.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 07/12/2024 à 13h25