À l’Unité 15 des Parcelles-Assainies, chez Mary Diémé, l’ambiance est studieuse et parfumée en ce matin pascal. Au milieu de grandes bassines, la pâte d’arachide onctueuse glisse lentement sous l’effet d’un brassage minutieux. C’est ici que prend forme le Ngalakh, une boisson traditionnelle sénégalaise qui unit bien au-delà des palais. Dans ce ballet gourmand, Mary ajoute successivement le pain de singe, une pulpe acidulée extraite du fruit du baobab, puis des essences, du coco râpé, des raisins secs et une dose généreuse de sucre et de chocolat pour sublimer le goût.
Au fil des gestes, c’est tout un savoir-faire ancestral qui se révèle. Une fois le mélange bien homogène, le mil précuit, souvent appelé arraw, est ajouté avec précaution, pour obtenir une texture équilibrée et gourmande. «C’est simple d’apparence, mais c’est un lourd investissement», glisse Mary. «Certaines achètent le mil brut et le transforment elles-mêmes, d’autres le prennent déjà prêt, mais dans tous les cas, il faut de la patience et de la passion. Après cette préparation, on le partage avec nos frères musulmans.»
Lire aussi : Veille de Pâques à Dakar: les chrétiens partagent le ngallax avec les musulmans
À quelques mètres de là, Awa Diallo, une voisine, reçoit avec le sourire un seau de ngalakh fraîchement préparé «je l’apprécie énormément ce geste, et ce n’est pas une première. Les chrétiens le font chaque année pour la fête de Pâques. Cela raffermit nos liens et rappelle que les chrétiens sont de bons voisins. Ça montre que le Sénégal est un, au-delà des confessions.»
Un échange qui dépasse le simple partage de mets, comme le souligne Mary Diémé «nos frères musulmans font pareil à chaque Korité ou Tabaski, ils partagent leur repas avec nous. Pour nous, le ngalakh fait partie intégrante de la fête de Pâques, tout comme le mouton l’est pour Tabaski. C’est ça le Sénégal, une famille où la solidarité se vit et se déguste.»
Au-delà de sa douceur sucrée, le ngalakh reste un symbole puissant d’unité, une recette qui, d’année en année, nourrit bien plus que les corps : elle entretient l’esprit de communion qui façonne l’âme sénégalaise.