A pied ou en voiture, les civils tentent de passer sous les tirs croisés des Forces de soutien rapide (FSR), les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo , dit Hemedti, et de l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane .
«La vie est impossible à Khartoum», raconte à l’AFP Alawya al-Tayeb, 33 ans, en route vers le sud. «J’ai tout fait pour que mes enfants ne voient pas les cadavres» car ils sont «déjà traumatisés».
«On part chez des proches à Wad Madani», le chef-lieu d’al-Jazira, à 200 kilomètres au sud, explique Mohammed Saleh, un fonctionnaire de 43 ans. Maintenant que militaires et paramilitaires rôdent dans les rues, «on a peur que nos maisons soient attaquées».
Les combats qui ont éclaté samedi ravagent principalement Khartoum et le Darfour (ouest), et les deux généraux rivaux restent sourds aux appels au cessez-le-feu.
Pas de trêve
Le général Burhane, dirigeant de facto du Soudan, et le général Daglo, son second, étaient aux commandes du pays depuis leur putsch conjoint d’octobre 2021, qui avait mis fin à la transition démocratique et évincé les civils du pouvoir. Mais depuis des semaines le conflit couvait entre les deux hommes.
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Les FSR et l’armée ont annoncé mercredi «une trêve de 24 heures» à partir de 16H00 GMT mais, comme une précédente trêve annoncée la veille, elle n’a jamais commencé.
Jeudi, les patrons de l’ONU, de l’Union africaine, de la Ligue arabe et d’autres organisations régionales doivent se réunir pour réclamer un nouveau cessez-le-feu.
Dans la capitale de plus de cinq millions d’habitants privée d’électricité et d’eau courante, les balles perdues transpercent régulièrement murs et fenêtres. Parfois, une bombe réduit un immeuble ou un hôpital à un tas de gravats.
Plus de 270 civils ont été tués depuis samedi, selon un bilan provisoire établi mercredi par 15 ambassades occidentales.
Elles ont exhorté les deux camps à «ne pas expulser illégalement les habitants, épargner les infrastructures civiles, laisser passer les denrées de base et l’aide d’urgence aux blessés et aux malades».
Hôpitaux hors d’usage
Mercredi, l’armée a dit s’être battue avec les FSR autour d’une agence de la Banque centrale et affirmé que «des sommes astronomiques ont été volées».
L’armée de l’air ainsi que l’artillerie des deux camps ont bombardé neuf hôpitaux de Khartoum. En tout, 39 des 59 hôpitaux des zones touchées par les combats ont été mis hors d’usage ou forcés de fermer, selon des médecins.
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Quant aux stocks de nourriture, déjà limités dans un pays avec une inflation à trois chiffres, ils s’épuisent et aucun camion d’approvisionnement n’entre dans la capitale.
Humanitaires et diplomates disent ne plus pouvoir travailler au Soudan, un pays de 45 millions d’habitants, dont plus du tiers souffre de la faim. Trois employés du Programme alimentaire mondial (PAM) ont été tués au Darfour et l’ONU a dénoncé «des pillages, des attaques et des violences sexuelles contre des humanitaires».
Cadavres et chiens errants
Pour fuir les violences, des milliers de femmes et d’enfants ont pris la route mercredi vers les provinces qui bordent Khartoum.
Autour d’eux, selon des témoins, des cadavres gisent sous un soleil de plomb. Alors que des odeurs pestilentielles commencent à s’en dégager, quelques personnes s’aventurent pour les recouvrir d’un drap. Un homme explique qu’il veut empêcher les chiens errants d’en approcher.
Parfois, un convoi de combattants juchés sur des pick-ups passe ou d’autres, postés en bord de route, contrôlent les véhicules.
Au bout de la route, à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, la vie se poursuit comme si de rien n’était avec des magasins ouverts et des transports qui fonctionnent normalement.
A Khartoum en revanche, les attaques n’épargnent personne: le patron belge de la mission humanitaire de l’UE a été «hospitalisé» après avoir été touché par balle et l’ambassadeur européen agressé chez lui.
Après cinq jours de combats, la confusion est totale et la désinformation en ligne galopante.
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Les images satellitaires montrent toutefois l’étendue des dégâts, visibles notamment au QG de l’état-major.
Une dizaine d’avions gisent en cendres sur le tarmac de l’aéroport, le siège des renseignements généraux apparaît ravagé, ce qui était un dépôt de camion-citernes d’essence n’est plus qu’une immense tache noire.
Au Darfour, dans l’ouest du pays, 320 militaires soudanais ont traversé la frontière, officiellement fermée depuis samedi, vers le Tchad pour se rendre parce qu’ils avaient «peur d’être tués par les FSR», selon le ministre tchadien de la Défense.
«Aucun camp ne semble l’emporter pour le moment et vu l’intensité des combats (...), les choses peuvent encore empirer avant que les deux généraux ne s’assoient à la table des négociations», prévient Clément Deshayes, enseignant à l’université Paris 1.
Pour cela, «il faudrait que leurs partenaires régionaux fassent pression et pour l’instant les déclarations ne vont pas dans ce sens», affirme à l’AFP ce spécialiste du Soudan.
L’Egypte voisine tente de récupérer plusieurs de ses soldats enlevés dans le nord par les FSR. «Transférés à Khartoum, ils seront remis quand les circonstances le permettront», ont indiqué les FSR.