Au Rwanda, les centres UCI changent la donne du cyclisme africain

Le président Paul Kagame à Musanze, lors du lancement du nouveau Centre régional de développement de l’Union cycliste internationale (UCI).

Le 22/12/2025 à 08h32

VidéoAprès avoir accueilli pour la première fois de son histoire les Championnats du monde de cyclisme sur route, l’Afrique voit l’un de leurs héritages les plus concrets se matérialiser au Rwanda. À Musanze, le nouveau centre régional de développement de l’Union cycliste internationale (UCI) — ancien Africa Rising Cycling Centre — s’impose comme un hub stratégique pour la formation des talents africains, la professionnalisation des métiers du cyclisme et l’émergence d’une nouvelle génération de champions.

Lorsque Kigali a accueilli les Championnats du monde de cyclisme sur route de l’UCI, une première historique pour l’Afrique, l’événement ne se voulait pas seulement symbolique. Derrière les images spectaculaires et la ferveur populaire, l’Union cycliste internationale avait promis un héritage durable pour le continent. Quelques mois plus tard, cet engagement prend corps à Musanze, dans le nord du Rwanda, avec l’inauguration d’un centre régional de développement UCI, appelé à transformer en profondeur le paysage du cyclisme africain.

Jusqu’ici, l’accès aux centres de haut niveau restait un privilège lointain pour de nombreux cyclistes africains. Le centre UCI le plus proche se trouvait en Afrique du Sud, une distance dissuasive pour les pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest. Pour Blaise Jabo, coordinateur du centre régional UCI de Musanze, l’installation de cette infrastructure au Rwanda marque une rupture majeure.

«Le Rwanda jouit d’un avantage considérable en accueillant des centres régionaux de l’UCI. L’établissement de ce centre changera la donne, notamment pour les pays d’Afrique de l’Est et de l’Ouest, qui avaient difficilement accès aux entraînements de haut niveau», explique-t-il.

Au-delà de la proximité géographique, le centre offre désormais un accès direct à l’expertise internationale de l’UCI. Lors des camps organisés à Musanze, la fédération mondiale dépêche ses meilleurs techniciens, garantissant un encadrement aux standards internationaux — une opportunité jusque-là rare sur le continent.

Le centre régional de Musanze n’est d’ailleurs pas un cas isolé. Dans le sillage des Championnats du monde de cyclisme sur route de Kigali, le Rwanda a hérité de quatre centres de développement de l’UCI, confirmant sa position de plateforme stratégique pour le cyclisme africain. Ces infrastructures, réparties sur le territoire, visent à couvrir à la fois la formation des athlètes, l’encadrement technique et le développement des métiers du cyclisme, faisant du pays un véritable hub continental pour la discipline.

Musanze, un site déjà reconnu

Si le centre change aujourd’hui d’échelle, le site de Musanze n’est pas un choix anodin. Située en altitude, la région était déjà prisée par des équipes professionnelles et semi-professionnelles, africaines comme internationales.

«Avant même ce nouveau statut, le site accueillait régulièrement des équipes étrangères, notamment Direct Energie, Team Novo Nordisk, ou encore la Tartu Cycling Team d’Estonie», rappelle Blaise Jabo.

Avant la pandémie de Covid-19, des équipes venues d’Éthiopie, d’Érythrée, de Zambie ou encore de Namibie s’y entraînaient déjà. L’intégration du centre dans le réseau officiel de l’UCI vient donc institutionnaliser une dynamique existante, tout en lui donnant une portée continentale.

Former des athlètes complets

Sur le terrain, l’impact du centre se mesure avant tout à travers les athlètes. Pour Jackson Nkulikiyinka, coureur de la Nyabihu Cycling Team, au Nord du Rwanda, l’accès à cette structure marque une étape décisive dans sa carrière.

«Je bénéficie d’un accompagnement complet, tant sur le plan technique que personnel. Le suivi diététique personnalisé, le suivi de santé, la définition des objectifs et la préparation des compétitions ont considérablement amélioré mon niveau», confie-t-il.

Cette approche holistique — performance, nutrition, santé mentale, planification de carrière — rompt avec une vision longtemps limitée du cyclisme africain, souvent réduit à la seule endurance naturelle des coureurs.

Professionnaliser les métiers du cyclisme

Mais l’ambition du centre de Musanze ne s’arrête pas aux coureurs. Il vise aussi à structurer l’écosystème du cyclisme africain, notamment à travers la formation de techniciens, entraîneurs et mécaniciens. Un enjeu crucial pour la performance à long terme.

Eric Maniriho, mécanicien de l’équipe nationale rwandaise depuis plus de dix ans, en témoigne:

«Mon expérience m’a appris que la qualité de l’équipement est déterminante dans le développement d’un champion. J’ai bon espoir que ce centre élève le niveau d’exigence dans ce domaine», explique-t-il.

Fort de son expérience sur des compétitions majeures comme la Tropicale Amissa Bongo, le Tour de l’Espoir ou le Tour du Rwanda, il voit dans ce centre un levier pour rapprocher les équipes africaines des standards internationaux.

Un héritage durable des Mondiaux de Kigali

À Musanze, le centre régional UCI apparaît ainsi comme l’un des héritages les plus tangibles des Championnats du monde organisés à Kigali. Plus qu’une infrastructure sportive, il incarne une vision stratégique: celle d’un cyclisme africain structuré, compétitif et capable de retenir ses talents sur le continent.

En s’inscrivant dans le réseau mondial de développement de l’UCI, le centre rwandais devient un modèle reproductible pour d’autres régions d’Afrique. Il symbolise aussi une évolution du regard porté sur le sport africain: non plus un vivier inexploité, mais un partenaire à part entière du cyclisme mondial.

À terme, l’objectif est clair: permettre à des cyclistes africains de se former, de progresser et de performer sans être contraints de s’exiler. À Musanze, l’Afrique ne se contente plus de rêver de champions; elle se donne désormais les moyens de les construire.

Par Fraterne Ndacyayisenga
Le 22/12/2025 à 08h32