La scène a des allures de sursaut d’énergie dans un désert sportif. Car derrière l’effort collectif et la discipline apparente, c’est tout un pan du sport national qui agonise, faute de compétitions, de clubs actifs et de perspectives.
La Fédération Gabonaise de Cyclisme (Fégacy) n’a organisé aucun championnat national depuis 2019. Les ligues provinciales sont à l’arrêt. Les coureurs, eux, tentent de survivre.
Christ Essono-Essono, un coureur qui garde malgré tout une lueur d’espoir, même s’il avoue sa frustration de voir les autres nations avancer. «Quand je suis à la maison et que je vois les autres courir dans d’autres pays: le tour du Rwanda ou le tour de France, je garde toujours espoir et me dis avec le temps les choses vont changer ... Nous voulons pédaler, nous voulons compétir.»
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Cette soif de compétition, Jean Pierre Poubou, cycliste international, la partage. Mais pour lui, la situation est claire: sans structures, les efforts individuels ont des limites. «Il n’y a pas de clubs en ce moment.... On s’entraîne individuellement. Ce que je veux, c’est une reprise en main des choses par le ministère avec l’organisation d’une assemblée générale de la fédération. Parce que la saison est presque finie. La prochaine c’est en septembre 2026.»
Le constat est sans appel: la saison s’écoule et avec elle, les opportunités pour les athlètes. Le discrédit qui pèse sur la fédération est total, comme l’explique John Nguema Abessolo, autre cycliste de niveau international. Pour lui, l’arrêt de la Tropicale Amissa Bongo, l’épreuve phare qui mettait le Gabon sur la carte du cyclisme mondial, n’est qu’un symptôme d’un mal plus profond. «Ça fait déjà deux ans que nous ne faisons pas de tropicale. Le mandat de l’actuel président est fini donc la fédération est inexistante. Pourtant nous avons des personnes de bonne foi qui peuvent bien se présenter et qui sont avec nous à chaque entraînement... mais c’est comme si on était face à un blocus.»
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Face à ce «blocus» fédéral, des voix s’élèvent localement pour tenter de relancer la machine, même à petite échelle. C’est le cas d’Albertine Zoughe, candidate à la Ligue de cyclisme de l’Estuaire, qui croit encore au pouvoir structurant des compétitions de proximité. «On aimerait encore... donner la force aux cyclistes en organisant des championnats surtout ici au niveau de la province de l’Estuaire (Libreville).»
Mais en attendant cette hypothétique relance, les cyclistes librevillois continuent de rouler, soudés par une même passion et une même détresse. Leur rassemblement du dimanche est autant un entraînement qu’un acte de résistance et de solidarité. Laurent Lomé, un amateur, résume bien cet état d’esprit : l’entre-soi devient un refuge, mais ne remplace pas la reconnaissance institutionnelle. «L’objet de nos entraînements c’est de se tenir en bonne santé en roulant en groupe... Puis pour la mort de la discipline c’est beaucoup mieux de se tenir en groupe. On le fait tous les dimanches matin. Notre souci c’est qu’on est vraiment pas reconnu au Gabon.»
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Alors que le peloton disparaît au loin, sur le boulevard Triomphal, la question demeure posée: jusqu’à quand ces passionnés pourront-ils tenir? Leur détermination est palpable, mais elle se heurte au vide sidéral laissé par une fédération fantôme et l’inaction des pouvoirs publics.




