Le Sénégal doit-il choisir entre l‘agriculture et le pétrole?

Des agriculteurs sénégalais travaillant dans les champs à Djilakh, à 80 km au sud de Dakar

Des agriculteurs sénégalais travaillant dans les champs à Djilakh, à 80 km au sud de Dakar

Le 14/05/2025 à 08h55

VidéoL’agriculture, qui emploie 70% de la population active et représente 16% du PIB, devrait-elle craindre les très lucratifs hydrocarbures dont le pays a entamé la commercialisation? Le bon sens paysan soutient qu’un «pays bien nourri peut aspirer à d’autres richesses.»

Malgré l’essor imminent des hydrocarbures, l’agriculture demeure la clé d’une économie résiliente pour Kalidou Dia, producteur agricole. Pour lui, la souveraineté alimentaire est la meilleure garantie d’indépendance et de stabilité économique. «Un pays bien nourri peut aspirer à d’autres richesses», soutient-il, appelant les autorités à privilégier la production agricole plutôt que de se laisser séduire uniquement par les revenus pétroliers.

Cette position rejoint celle de nombreux producteurs qui saluent l’appel des autorités à renforcer le secteur agricole, levier essentiel pour sortir le Sénégal de la dépendance alimentaire.

Pour Kalidou Dia, aucune richesse naturelle, aussi prometteuse soit-elle, ne saurait remplacer l’agriculture. «Le Sénégal possède des terres fertiles, un ensoleillement favorable et une jeunesse dynamique. C’est un potentiel considérable que nous devons exploiter pour assurer notre autosuffisance», souligne-t-il.

Pour lui, il est primordial de miser sur les atouts naturels du pays plutôt que sur une rente pétrolière incertaine et fluctuante. L’agriculture doit ainsi être perçue comme un investissement pérenne pour le développement économique du pays.

Quelle agriculture pour demain?

Thierno Diop, président du Comité d’initiatives pour la gouvernance alimentaire (CIGA), quant à lui encourage le développement de l’agriculture mais nuance son propos en interrogeant la nature même de cette agriculture à promouvoir. «Il ne s’agit pas de n’importe quelle agriculture, mais d’une agriculture saine, durable et respectueuse des ressources», affirme-t-il. Pour lui, le défi réside dans la mise en place de pratiques agricoles qui garantissent la sécurité alimentaire tout en préservant l’environnement.

La position de ces acteurs trouve un écho au niveau institutionnel. Lors du Forum sur les systèmes alimentaires africains, Hailemariam Dessalegn, président de l’événement, a exhorté les autorités sénégalaises à faire de l’agriculture le fer de lance de la politique économique, malgré les importantes découvertes en hydrocarbures. Citant le cas du Nigéria et de l’Indonésie, il a rappelé l’importance de diversifier les sources de développement, plaidant pour un focus sur l’agriculture.

Le ministre de l’Agriculture, Mabouba Diagne, a réaffirmé cette volonté en annonçant des investissements record pour la campagne agricole 2025, inscrivant ainsi la souveraineté alimentaire parmi les priorités nationales. Dans un contexte économique en pleine mutation, le Sénégal doit faire des choix stratégiques. Si les ressources énergétiques offrent des perspectives financières, l’agriculture reste, aux yeux de nombreux experts, la véritable clé d’un développement inclusif et durable.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 14/05/2025 à 08h55