Tunisie. Banque centrale: les raisons et les conséquences de la forte hausse du taux directeur à 7,75%

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Le 20/02/2019 à 17h23, mis à jour le 20/02/2019 à 17h36

La Banque centrale tunisienne (BCT) vient de relever son taux directeur de 100 points de base. Deux facteurs fondamentaux justifient cette énième hausse en deux ans. Les conséquences sont néfastes pour les entreprises, notamment les PME. Explications.

Le gouverneur de la Banque centrale tunisienne (BCT) a relevé le mardi 19 février son taux directeur de 100 points de base. Celui-ci passe ainsi de 6,75% à 7,75%.

A travers cette mesure, la Banque centrale souhaite contribuer à freiner les pressions inflationnistes qui constituent un risque pour l’économie tunisienne et une menace pour le pouvoir d’achat. Le taux d’inflation reste élevé en Tunisie. Il s’est établi à 7,1% à fin janvier, contre 7,3% en moyenne pour l’année 2018.

Toutefois, en dépit de cette baisse, le Conseil d’administration de la BCT «a exprimé sa forte préoccupation quant aux perspectives des pressions inflationnistes, notamment en ce qui concerne l’inflation sous-jacente. Cette dernière devrait poursuivre sa tendance à la hausse au cours de la période à venir, compte tenu des évolutions attendues pour l’ensemble des indicateurs inflationnistes».

Cette décision s’explique aussi par l’obligation de la Tunisie à respecter les exigences des institutions financières internationales (FMI et al Banque mondiale), selon lesquelles le taux d’intérêt directeur ne doit pas beaucoup s’écarter de celui d’inflation, pour maitriser cette dernière.

Il s’agit de la cinquième hausse consécutive du taux directeur décidée par la BCT depuis bientôt 2 ans.

Cette forte hausse aura un impact sur le taux moyen du marché monétaire (TMM) et par ricochet sur les taux d’intérêt bancaire. Ainsi, selon les analystes, le TMM devra passer de 7,24% actuellement à 7,56% à la fin du mois et se stabiliser aux alentours de 8,24% à la fin du mois de mars prochain.

De même, pour les banquiers, la hausse du coût du loyer de l’argent, entraîne une hausse des taux d’intérêt bancaires dans une fourchette comprise entre 0,3 et 0,5%. Ce qui induit un renchérissement des taux d’intérêt débiteurs supportés par les particuliers et les entreprises. Avec un taux directeur de 7,75%, il faut ajouter les marges appliquées par les banques et le coût du risque. Du coup, on se retrouverait avec des taux débiteurs autour de 11 à 12%.

Une situation qui impacterait négativement sur les PME qui représentent plus de 90% du tissu économique tunisien. Du coup, il y a fort à craindre une aggravation du fléchissement de l’investissement et donc un ralentissement de la croissance économique.

De même, suite à cette augmentation du taux d’intérêt directeur, le taux de rémunération de l’épargne à la fin du mois devrait atteindre 6%, contre 5% depuis janvier dernier.

Ainsi, la hausse du taux directeur devrait, théoriquement, toute chose étant égale par ailleurs, pousser plus à l’épargne qu’à la consommation et donc impacter positivement sur le taux d’inflation.

Reste que si le niveau du taux d’intérêt directeur est jugé élevé au niveau de la région, il reste inférieur à celui du Mexique qui est de 8,25% et surtout très loin de celui de la Turquie qui se situe actuellement à 24%.

Par Moussa Diop
Le 20/02/2019 à 17h23, mis à jour le 20/02/2019 à 17h36