Tunisair: des pertes de 80 millions de dinars par mois et une absence de visibilité pour l’avenir

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Le 19/05/2020 à 16h46, mis à jour le 19/05/2020 à 17h21

Elyes Mnakbi a annoncé ce mardi 19 mai que Tunisair perdait 80 millions de dinars tunisiens par mois. Mais, ce qui inquiète le plus le responsable, c’est l’absence de visibilité quant à la reprise de l’activité de la compagnie aérienne. Le coronavirus risque d’être la goutte de trop.

Tunisair, à l’instar de toutes les compagnies aériennes africaines, voire du monde, traverse une crise financière aigüe consécutive à l’arrêt de son activité dans le sillage de la pandémie qui a cloué sa flotte au sol.

Elyes Mnakbi, son PDG, a révélé ce mardi 19 mai que la compagnie aérienne tunisienne enregistrait une perte mensuelle d’environ 80 millions de dinars (28 millions de dollars).

Cet arrêt brutal d'activité a aggravé la situation financière de la compagnie qui battait de l’aile depuis une décennie. De fait, même en cas de reprise du transport commercial international, Tunisair risque de se retrouver dans l’incapacité d'assurer ses vols, sans le soutien de l’Etat, faute de liquidités. 

Selon Mnakbi, la compagnie a besoin d’un prêt de 100 millions de dinars tunisiens pour pouvoir reprendre ses activités.

Seulement, pour le moment, le problème de Tunisair ne semble pas être la priorité des priorités autorités tunisiennes qui doivent elles aussi faire face à la pandémie du coronavirus et ses conséquences économiques sur les entreprises et les citoyens.

Quant à Tunisair, ses difficultés sont structurelles. Le Covid-19 n’a fait qu’aggraver la crise dans laquelle elle est plongée depuis 2010. En effet, si la compagnie n’a cessé d’engranger des bénéfices depuis sa création jusqu’en 2009, elle a depuis cumulé les déficits.

La situation d’instabilité politique post-révolution, les effets des actes terroristes sur le tourisme, la concurrence des compagnies aériennes étrangères, le conflit libyen (500 000 passagers par an transporté par Tunisair avant la crise) et surtout des charges fixes colossales à cause d’un effectif pléthorique (7.500 salariés pour le groupe Tunisair) ont contribué à la crise du paillon tunisien. A titre d’exemple, le coût de la masse salariale de la compagnie a fortement augmenté au cours des six dernières années passant de 220 à 380 millions de dinars.

Or, face à cette crise structurelle, aucune solution n’a été trouvée ou mise en place. Le Covid-19 est ainsi venu aggraver une situation financière déjà difficile. Les plans de restructuration annoncés n’ont jamais été menés à terme à cause des licenciements qu’ils exigent et qui sont impossibles à mener sans tensions sociales.

Seulement, avec les conséquences du Covid-19 et l’inexistence de liquidités pour faire face aux charges d’exploitation, la compagnie ne pourra pas compter une fois de plus sur l’Etat tunisien.

Celui-ci risque d’avoir des priorités plus urgentes que de sauver une compagnie moribonde faute d’une restructuration douloureuse que personne ne veut entreprendre.

Du coup, certains n'excluent pas que l’Etat opte pour une déclaration officielle de faillite. Une solution qui pourrait favoriser une restructuration en profondeur de la compagnie et l'entrée éventuelle d’un partenaire stratégique dans son capital. Le PDG de la compagnie a démenti récemment la cession de 30% du capital de Tunisair à Qatar Airways, mais l’entrée d’un partenaire capitalistique n’est pas à écarter.

Par Moussa Diop
Le 19/05/2020 à 16h46, mis à jour le 19/05/2020 à 17h21