Les indicateurs financiers et monétaires publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT) montrent que la situation est critique. Avec un solde du compte courant du Trésor qui s’établi à 394 millions de dinars (environ 139 millions de dollars), un niveau qui n’a pas été atteint depuis de nombreuses années, l’inquiétude grandit. Une situation qui s’explique grandement par le niveau des charges, notamment de la masse salariale consécutive à un effectif pléthorique de fonctionnaires.
La situation est telle qu’aujourd’hui, le paiement des salaires des fonctionnaires est assuré par l’encours des opérations du marché ouvert et des swaps de change qui s’est établi à 5,15 milliards de dinars (1,82 milliard de dollars).
Il faut dire qu’à côté de la masse salariale, le service de la dette pèse lourdement sur le budget de l’Etat. En effet, selon les données de la BCT, le service de la dette extérieure cumulé depuis le début de l’année à fin octobre s’est établi à 8,96 milliards de dinars (3,16 milliards de dollars). Un niveau très élevé qui représente actuellement l’équivalent de 43% des réserves en devises du pays qui se sont établies à fin octobre à 20,86 milliards de dinars (7,36 milliards de dollars). La dette du pays est estimée à 41,04 milliards de dollars, contre 22,6 milliards de dollars en 2010. C’est dire qu’elle a pratiquement doublé depuis la révolution.
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Ainsi, la Tunisie est engluée dans un endettement croissant auquel elle a du mal à faire face. Avec un taux d’endettement de plus de 92% du PIB et une croissance négligeable d’à peine 0,7% annuelle en moyenne sur la période 2011-2020, le remboursement de la dette pose problème. Le pays ne créé plus assez de richesse pour y faire face.
Et tout dernièrement, l’agence Moody’s a alerté sur l’endettement et la capacité du pays à rembourser sa dette en abaissant à nouveau la notation du pays à Caa1, rendant ainsi le recours du pays aux marchés internationaux de capitaux plus problématique.
Malheureusement, le pays n’a pas de choix. Le FMI et d’autres institutions et Etats lui ayant fermé les robinets du fait que le gouvernement n’est pas prêt à mettre en place des réformes impopulaires, et ce, en plus du recul démocratique suite au gel du Parlement.
Et selon Moody’s, le déficit budgétaire atteindra 7,5% du PIB à fin 2021. Le besoin en financement représentera alors 18% du PIB. Et le financement de ce déficit pose problème sachant que les bailleurs de fonds et les institutions financières internationales rechignent à apporter leurs concours au pays.
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Il faut noter qu’une partie des crédits mobilisés sur le marché financier permettait de financer des dépenses courantes du budget, notamment les salaires et les charges de compensation. Toutefois, la Tunisie a du mal actuellement à bénéficier des prêts des institutions financières et organisations internationales. Il est surtout reproché aux gouvernements qui se sont succédé à la tête du pays de ne pas avoir entrepris de réformes, notamment le dégraissage de la pléthorique fonction publiquequi compte plus de 650.000 fonctionnaires, soit 6% de la population du pays. Ainsi, cette masse salariale pèse aujourd'hui à elle seule 15% du PIB du pays, contre 10% en 2010. Les tentatives des précédents gouvernements de dégraisser le mammouth via des départs volontaires n’ont pas abouti. La masse salariale absorbe donc les deux-tiers des recettes fiscales et près de la moitié des dépenses globales de l’Etat.
Si, en 2016, le FMI avait accordé un programme d’aide de 2,8 milliards de dollars à la Tunisie, décaissé en plusieurs tranches, constituant des bouffées d’oxygène pour les gouvernements successifs, le pays n’arrive pas à boucler un nouveau financement avec l’institution.
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Face à cette situation, la loi de finances 2022 met l’accent sur l’élargissement de l’assiette fiscale et le recouvrement des impôts afin de redresser les recettes fiscales de l’Etat et faire face au déficit budgétaire. Reste que beaucoup de chefs d’entreprises craignent la sur-taxation des entreprises solvables et organisées pour remplir les caisses de l’Etat, rappelant que «trop d’impôt tue l’impôt».
Par ailleurs, au niveau de la balance des services, on notera la bonne évolution des transferts de la diaspora tunisienne en forte progression à + 39%, à fin octobre, par rapport à la même période de l’année dernière, pour s’établir à 6,53 milliards de dinars (2,31 milliards de dollars). A noter que pour toute l’année 2020, ces transferts des Tunisiens de l'étranger se sont établis à 5,87 milliards de dinars (2,08 milliards de dollars). Ce sont eux qui ont permis d’assurer le service de la dette en devises. Dans un contexte de crise économique aiguë, les transferts sont devenus la première source de devises du pays, devant les exportations agricoles, les investissements directes étrangers et le tourisme.
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Quant aux recettes touristiques, elles ont connu une évolution positive, mais faible avec une hausse de 110 millions de dinars (39 millions de dollars) à 1,9 milliard de dinars (0,67 milliard de dollars) à fin octobre 2021.
Au final, les avoirs nets en devises du pays ont baissé par rapport à leur niveau de fin 2020 pour s’établir à 20,86 milliards de dinars, soit 7,34 milliards de dollars, assurant 126 jours d’importation de biens et services, contre 145 jours à fin 2020.