La bataille de leadership au sommet de la Tunisie, entre Kaïs Saied, président de la République, et Rached Ghannouchi, celui du Parlement et du parti islamiste d’Ennahdha, connaît une nouvelle passe d’armes. C’est une période de crise politique au sommet de l’Etat, accentuée par ce que les Tunisiens ont baptisé le «Fakhfakh Gate», une affaire de conflits d’intérêts concernant le Premier ministre Elyes Fakhfakh. Il a déclaré, le 14 juin dernier, détenir 20% de parts de la société Vivan, qui opère, avec l’Etat, dans le domaine des déchets.
De nombreux hommes et partis politiques ont demandé la démission du chef du gouvernement. Les islamistes d’Ennahdha sont accusés d’attiser le feu et de faire monter les enchères, mettant en danger la fragile démocratie tunisienne qui traverse depuis une décennie une crise économique aiguë, aggravée par la crise sanitaire.
Lire aussi : Tunisie-France: voici pourquoi Kaïs Saïed se rend à Paris en pleine crise sanitaire
Après avoir décidé de ne plus soutenir le gouvernement, les islamistes, Ghannouchi à leur tête, ont tenté de pousser à la formation d’un nouveau gouvernement. Mais ils l’ont fait au lendemain d’une rencontre avec le président Saied, comme s’ils avaient eu l’aval de celui-ci.
La réaction présidentielle a été foudroyante. Celui-ci a convoqué le Premier ministre et le Secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Tabboubi, face aux caméras de la télévision nationale, et leur a assuré qu’il ne négociera avec aucune partie pour former un nouveau gouvernement, tant que l’actuel jouira de toutes ses prérogatives. Il a ajouté que ceux qui prétendent mener des pourparlers en ce sens pour mettre en place une nouvelle équipe gouvernementale mentent, dans une allusion directe à Rached Ghannouchi.
Lire aussi : Tunisie: l'opposant historique et islamiste Rached Ghannouchi élu président du Parlement
Saïed apporte ainsi une réponse cinglante à son instrumentalisation par le chef des islamistes, et montre par la même occasion aux Tunisiens que le président du parlement a menti. Une manière également de rappeler qui est le chef de l’Etat.
Cette intervention apparaît également comme un soutien à ceux qui veulent faire partir Ghannouchi du perchoir. Selon Haykel Mekki, député du Bloc démocratique, la motion de retrait de confiance a dépassé les 73 signatures requises, de la part de plusieurs blocs.
Et c’est fort de tous ces soutiens que le Premier ministre Elyes Fakhfakh a annoncé, lundi soir, avoir décidé d’opérer un remaniement dans les prochains jours, suite à la décision du parti Ennahdha de rompre avec l’actuel gouvernement.
Reste à savoir qu’elle sera la réponse du parti Ennahdha face à cette nouvelle donne politique provoquée par la sortie du président.