Faisant l'objet d'attaques récurrentes concernant une dérive dictatoriale de son régime, le président Kaïs Saïed répond à ses nombreux détracteurs lors de sa visite éclair à l’aéroport de Tunis-Carthage, lundi 16 août 2021. A ses accusateurs, il demande "où voient-ils une dictature?" Avant d'ajouter "est-ce que les potences ont été dressées?", "est-ce quelqu'un a été fusillé?
Une réponse plus que déconcertante et qui donne une idée sur le sens que donne Saïed à la dictature. Ainsi, pour le Président, la dictature est synonyme d’exécution!
En effet, le président Saïed a limogé le Premier ministre et annoncé le gel des activités du Parlement pour 30 jours, en vertu de l’article 80 de la Constitution, qui envisage des mesures exceptionnelles en cas de «péril imminent». Seulement, pour de nombreux observateurs, le recours à l’article 80 est totalement anti-constitutionnel.
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A l’intérieur, les dénonciations de cette dérive autoritaire se multiplient. Le bureau exécutif d’Ennahdha, premier parti politique au Parlement, a appelé le président à lever le gel des activités du Parlement, en soulignant que les mesures sont anticonstitutionnelles et constituent une grave violation des droits et des libertés, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs. Il a également appelé le Président à nommer un chef du gouvernement et à mettre ainsi en place la formation d’un nouveau gouvernement de compétences nationales.
De même, le Courant démocratique fait part de ses craintes quant aux mesures exceptionnelles, sans aucune feuille de route, prises par le Président, qui risquent de dériver vers un totalitarisme absolu anti-constitutionnel.
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A l’international aussi, la situation suscite des réactions des puissances étrangères. Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a appelé Saïed à «maintenir un dialogue ouvert avec tous les acteurs politiques et le peuple tunisien». Et les sorties des responsables politiques républicains se multiplient pour condamner ce qui est qualifié de dérive dangereuse vers l’autoritarisme. Fin juillet dernier, Joe Wilson, membre de la Chambre des représentants américaine a livré ses inquiétudes en assurant que la situation en Tunisie ne fait qu’empirer et que le président Saïed est en train de tirer le pays vers un socialisme autoritaire. Une délégation américaine de haut niveau, conduite par Jonathan Finer, adjoint du conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, a séjourné à Tunis pour rencontrer le président tunisien. Jonathan Finer a transmis un message écrit du président Joe Biden qui assure suivre la situation en Tunisie.
Une chose est sure, la dernière sortie du président tunisien sur ce qu'est une "dictature" n’est pas des plus rassurantes.