Cette ferme prise de position du secrétaire général de la puissante Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, survient une semaine après qu'elle a organisé une grève qui a paralysé le secteur public pour obtenir satisfaction de revendications salariales et sociales.
«Nous refusons ces conditions (du FMI) en raison du faible niveau des salaires, du manque des moyens et de la hausse du taux de pauvreté et du chômage», a déclaré à la presse Taboubi.
Le FMI a annoncé mercredi dans un communiqué être «prêt à entamer, au cours des prochaines semaines, des négociations portant sur la mise en place d'un programme» d'aide en faveur de la Tunisie conditionné à la mise en oeuvre de réformes.
"Pas légitime"
Selon des experts, le montant du prêt sollicité par Tunis se situe autour de deux milliards d'euros.
«La gravité du contrecoup de la guerre en Ukraine accroît la nécessité de mettre en oeuvre sans délai des réformes ambitieuses», a souligné Jihad Azour, le directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI, à l'issue d'une visite en Tunisie.
Lire aussi : Tunisie: le recours au FMI "indispensable", selon la Banque centrale
Selon lui, «la Tunisie doit remédier de toute urgence aux déséquilibres de ses finances publiques en améliorant l'équité fiscale, en limitant la croissance de l'importante masse salariale dans la fonction publique, en remplaçant les subventions généralisées par des transferts à destination des plus pauvres, en renforçant son dispositif de protection sociale et en réformant les entreprises publiques qui perdent de l'argent».
Pour justifier le lancement de négociations, Azour observe que le «programme de réformes d'inspiration nationale, tel qu'il est défendu par le gouvernement, est plus crédible et plus à même de susciter l'adhésion générale, et présente donc plus de chances de réussite que par le passé».
Le FMI appelle aussi à ouvrir davantage l'économie aux investissements du secteur privé pour créer croissance et emplois.
Mais pour Taboubi, le gouvernement tunisien actuel, nommé par le président Kais Saied après son coup de force du 25 juillet, n'a pas la «légitimité» pour mener des discussions avec le FMI sur des réformes.
Lire aussi : La Tunisie doit mener des "réformes très profondes", selon le FMI
«Je le dis clairement, le gouvernement actuel a été nommé provisoirement par décret. Le jour où on aura un gouvernement issu d'élections, il aura la légitimité d'ouvrir des discussions sur des réformes», a-t-il dit.
«Nous sommes pour des réformes, mais nous n'avons pas la même vision que le gouvernement actuel ou ceux qui l'ont précédé», a encore ajouté Taboubi.
"Destruction de l'Etat de droit"
Mardi, le président Saied avait appelé le FMI, en recevant Azour, à tenir compte des conséquences sociales sur la population tunisienne des réformes dont il réclame la mise en œuvre en échange d'un prêt.
Début juin, des ministres tunisiens ont fait savoir que le gouvernement prévoyait de revoir les subventions étatiques aux produits de base qui grèvent fortement son budget.
Lire aussi : Tunisie: entre abaissement des notes souveraines du pays et nécessité d’un accord impopulaire avec le FMI
L'UGTT ne cesse de hausser le ton au moment où Kais Saied est sous le feu d'intenses critiques de l'opposition pour l'avoir exclue d'un dialogue national sur une nouvelle Constitution qu'il prévoit de soumettre à référendum le 25 juillet.
L'UGTT a décliné une invitation à participer à ce dialogue.
Outre les tensions avec l'UGTT, Saied fait face à la colère des magistrats qui observent depuis le 6 juin une grève pour protester contre sa décision de révoquer 57 de leurs confrères.
Des dizaines d'entre eux ont participé jeudi à une manifestation devant le Palais de justice à Tunis pour réclamer l'annulation des révocations.
«A bas les décrets-lois de destruction de l'Etat de droit», pouvait-on lire sur des pancartes brandies lors de la manifestation.