Variant Omicron: inquiétude des pays pétroliers africains, gros importateurs de blé

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Le 03/12/2021 à 12h05, mis à jour le 03/12/2021 à 14h01

Omicron a entraîné la chute du cours du baril de pétrole à cause des perspectives qu’il pourrait avoir sur la reprise de l’économie mondiale. Parallèlement, le blé flambe, et les grands pays producteurs de pétrole et de gaz (Algérie, Egypte et Nigeria), en sont de gros importateurs.

L’euphorie de la hausse des cours du baril de pétrole dans le sillage de la reprise de l’économie mondiale, soutenue par la baisse de la production de l’or noir dans le cadre de l’entente de l’OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) et leurs alliés dans le cadre de l’OPEP+ regroupant 24 pays producteurs de pétrole n’aura pas duré….

Désormais, c’est l’inquiétude qui gagne les producteurs de pétrole africains, qui ont été durement chahutés en 2020 suite à la chute historique du cours du baril de pétrole dans le sillage de l’apparition de la pandémie du Covid-19, et qui doivent désormais faire face à la découverte du nouveau variant Omicron en Afrique du Sud.

Ce nouveau variant et les perspectives économiques qu’il fait peser sur la reprise de l’économie mondiale sont à l’origine de cette chute brusque du cours de l’or noir.

Ainsi, après avoir atteint le pic de l’année, à 87,41 dollars le baril le 29 octobre dernier, le prix du baril a chuté de 27,31% à 68,66 dollars en fin de soirée de la journée du jeudi 2 décembre, soit une baisse de 18,75 dollars, sachant que le cours avait chuté de 10% le vendredi 26 novembre dans le sillage de l'annonce de la découverte du variant Omicron. 

Cette baisse importante et brusque vient chambouler les calculs des producteurs de pétrole africains, notamment ceux qui dépendent fortement des hydrocarbures, et tout particulièrement l’Algérie, deuxième producteur de pétrole africain, dont le pétrole assure 95% des recettes d’exportation et plus de 55% des recettes budgétaires. Le Nigeria, premier producteur africain, dont les hydrocarbures représentent 90% des recettes d’exportation et 50% des recettes budgétaires, est lui aussi concerné.

C’est le cas aussi de l’Angola, troisième producteur africain, dont 93% de ses recettes d’exportation proviennent des exportations d’hydrocarbures, qui assurent également 78% des recettes publiques.

Pour ces trois premiers producteurs de pétrole africain, l’embellie des cours du brut au cours de ces derniers mois avait redonné de l’espoir aux producteurs africains, qui voient d’un très mauvais œil cette chute des cours du pétrole, source d’incertitudes pour leur économie, totalement dépendantes des hydrocarbures.

Une situation d’autant plus préoccupante que certains d’entre eux, échaudés par la chute des cours de l’année dernière, avaient fini par comprendre la nécessité vitale de diversifier leurs économies, et compter sur une hausse durable des cours du baril de pétrole pour entreprendre et accélérer cette diversification.

La situation est d’autant plus inquiétante que les principaux producteurs africains sont également très fortement dépendants des importations de céréales, particulièrement du blé, mais aussi de la farine, deux produits dont les prix ont fortement flambé au cours de ces derniers jours.

La hausse des prix du blé s’explique par plusieurs facteurs dont la confrontation de l’offre et la demande. En effet, à cause du changement climatique, les pluies torrentielles en Europe, les sécheresses aux Etats-Unis et en Russie et les inondations au Canada ont eu des impacts négatifs sur la production mondiale, alors que les inondations en Chine ont fortement réduit la production locale et entraîné une forte demande chinoise sur le marché mondiale.

En conséquence, le déséquilibre entre l’offre et la demande, combiné à d’autres facteurs, dont la hausse des cours du phosphate et des engrais, l’augmentation du coût du fret, les quotas à l’exportation de la Russie, etc., ont entraîné le rallye du cours du blé, enclenché début septembre et qui a franchi la barre des 300 euros la tonne le 19 novembre dernier, pour atteindre un sommet de 309,75 euros, avant de reculer sous l’effet du variant Omicron, s’établissant à 279,50 euros le 30 novembre dernier.

Le cours a repris sa remontée de la pente à 289 euros en fin de séance de la journée du 1er décembre. En 6 mois, le cours du blé a progressé de 33,64%.

A titre de comparaison, lors de la crise de 2008, le cours du blé avait seulement atteint un pic de 290 euros la tonne.

Ce niveau du cours va négativement impacté les pays africains en général, et ceux producteurs de pétrole et de gaz, en particulier. Ceux-ci étant en effet les plus importants importateurs de blé du continent.

Le Nigeria, l’Algérie et l’Egypte, cette dernière étant la plus grande importatrice de blé du continent, sont dépendants des importations à des hauteurs respectivement de 100%, 66% et 62%.

Pour l’Egypte, producteur de pétrole et surtout de gaz, mais aussi, et surtout, premier importateur mondial de blé depuis 15 ans, les acquisitions de blé devraient atteindre 13,2 millions de tonnes en 2021-2022, pour une consommation qui devrait atteindre un niveau record de 21,1 millions de tonnes.

Quant à l’Algérie, qui consacre chaque année 2,5 milliards de dollars à l’importation des céréales, dont essentiellement du blé, elle verra sa facture augmenter fortement avec l’envolée des cours de celui-ci.

Le pays devrait importer entre 7 et 8 millions de tonnes en 2021-2022. Ainsi, avec la forte hausse du cours du blé, la facture devrait fortement augmenter, alors que les recettes pétrolières, qui représentent plus de 95% des recettes d’exportations, vont baisser.

Ces trois grands producteurs de pétrole et de gaz, avec une population cumulée autour de 365 millions d’habitants -210 millions pour le Nigeria, 110 pour l’Egypte et 45 millions pour l’Algérie-, soit 31%de la population totale du continent africain, sont très dépendants du blé pour la consommation en semoules, pâtes alimentaires et en produits de boulangerie.

Ainsi, tout en voyant leurs recettes pétrolières pour les contrats futurs baisser, les grands producteurs africains devront faire face à la flambée des prix de nombreux produits alimentaires, notamment celui du blé, qu’ils consomment en grande quantité, et qu’ils importent donc en grandes quantités.

Notons également que les pays non-producteurs de pétrole africains sont eux aussi touchés par la hausse des cours du blé.

C’est le cas du Maroc, qui vient juste derrière le Nigeria en tant que quatrième importateur de blé du continent, avec des importations de l’ordre de 4,8 millions de tonnes en 202-2022.

Toutefois, ces pays non producteurs d’or noir vont concomitamment voir leur facture énergétique reculer au cours de cette période, à la faveur de la baisse du cours du baril dans le sillage de l’apparition du variant Omicron.

Au-delà, la hausse des cours du blé contribue à la hausse de l’inflation, du fait que cette céréale intervient dans la production de nombreux produits, dont le pain, les semoules, les pâtes, etc.

Au-delà, ce sont de nombreux produits alimentaires qui sont touchés par la flambée des cours. Ainsi, l’indice FAO des prix alimentaires s’établit à 134,4 points, soit son niveau le plus haut depuis juin 2011. Une situation qui se traduit par une inflation des prix dans de nombreux pays africains, entraînant parfois des troubles sociaux.

Par Moussa Diop
Le 03/12/2021 à 12h05, mis à jour le 03/12/2021 à 14h01