Algérie: quand les "solutions" à la crise étouffent les citoyens

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Le 13/03/2017 à 19h11, mis à jour le 13/03/2017 à 20h40

Face à la crise économique aigüe qui frappe le pays, le gouvernement algérien use de deux parades: augmenter la fiscalité et réduire les importations par la mise en place de quotas. Seulement, ces options ont des effets négatifs sur le quotidien des citoyens et la grogne sociale grandit.

Ayant longtemps bénéficié d’une forte rente pétrolière permise par des cours de pétrole élevés, l’Algérie n’a pas vu le retournement du marché arriver et a été en conséquence durement frappée par la crise actuelle. Le déficit budgétaire s’est fortement creusé (13,2% du PIB en 2016), les réserves du Fonds de régulation des recettes (FRR) -à savoir, le matelas sur lequel reposait la politique d’achat de la paix sociale- se sont amenuisées et les réserves de changes poursuivent leur décrue.

Face à cette situation, le pouvoir, qui a toujours oublié l’investissement productif et de diversifier l’économie algérienne qui repose exclusivement sur les hydrocarbures, a adopté deux solutions: d'une part, augmenter les recettes fiscales pour combler le déficit creusé par la faiblesse des cours du pétrole, et d’autre part, diminuer les importations afin de réduire la facture en devises qui sortent du pays.

Afin d’arriver aux résultats escomptés, l’Etat mène depuis l’année dernière une politique de restriction via la mise en place des quotas d’importation. Celle-ci avait touché notamment trois produits en 2016 : les voitures, le rond à béton et le ciment.

A titre d'exemple, au niveau du secteur automobile, l’Etat algérien a fixé un quota de 98.374 unités à importer. Celui-ci a été réparti entre 40 concessionnaires automobiles, soit en moyenne 2.459 véhicules par concessionnaires, alors que le pays avait importé 265.523 véhicules en 2015 et 417.913 unités en 2014. Conséquence de cette politique, les prix du marché de l'automobile ont grimpé et les pénuries de voitures neuves sont apparues. Une situation qui a poussé les citoyens algériens à recourir aux voitures d’occasion dont les prix ont grimpé pour frôler ceux des véhicules neufs devenus introuvables sur le marché.

Ainsi, avec cette limitation des importations, l’Etat ôte-t-il aux Algériens le droit d’acheter des véhicules neufs tout en se targuant par la suite d’avoir réduit considérablement la facture d’importation qui a baissé de 2,04 milliards de dollars en 2015 à 1,3 milliard de dollars en 2016, soit une économie de 740 millions de dollars.

Seulement, ces économies ne peuvent compenser l’impact social de cette politique qui a été mise en place dans la précipitation. A titre d’illustration, le nombre de concessionnaires automobiles s’est réduit considérablement du fait de la faiblesse des quotas octroyés à certains d’entre eux qui ne pouvaient pas s’en sortir.

Du coup, de nombreux concessionnaires ont mis la clé sous le paillasson licenciant du même coup de nombreux pères de famille. Ainsi, les professionnels du secteur ont-ils perdu 50.000 de leurs salariés directs et 100.000 de manière indirecte. Quant au chiffre d’affaires du secteur, il a été réduit de plus de 80% entraînant le risque de faillite de nombreux autres concessionnaires faute de rentabilité. D’ailleurs, la situation risque encore de se corser cette année avec une réduction de moitié du quota de l’année dernière. Selon les premières indiscrétions, les concessionnaires n’auront droit qu’à un quota global de 50.000 véhicules au maximum.

La situation est identique pour de nombreux autres produits suite à l’élargissement de cette politique de quotas. Cela touche notamment les produits alimentaires: légumes, fruits, lait, etc. Ainsi, pour la banane, le quota d’importation a été fixé pour les 6 premiers mois de l’année à 90.000 tonnes. Seulement, les conditions imposées pour freiner l’import ont entraîné une flambée des cours de la banane dont le kilogramme dépasse la barre des 800 dinars algériens alors que le prix de revient du kilogramme tourne autour 180 dinars. 

Conséquence, ce sont les ménages algériens qui trinquent de cette politique quantitative axée sur la baisse en valeur des importations pour réduire le déficit commercial et qui néglige le côté social avec son corollaire de pertes d’emplois et de pouvoir d’achat consécutif à la hausse généralisée des prix. Une situation à haut risque, comme ce fut le cas dernièrement à Bejaia où la population a manifesté son ras-le-bol contre une flambée des prix et contre les pénuries.

Le problème avec cette politique de quotas pour réduire les importations est qu’elle a été faite dans l'urgence et sans aucune préparation. En effet, l’Algérie réduit considérablement les importations d’un certain nombre de produits alors qu’elle ne dispose pas de produits de substitution locaux. Ainsi, au niveau de l’automobile, le pays produit à peine 40.000 véhicules pour une demande qui tourne autour de 300.000 unités par an. Cela est également valable pour de nombreux produits alimentaires, notamment les fruits, les légumes et le lait dont la production locale est loin de pouvoir satisfaire la demande.

En outre, il est peu probable que sur le plan juridique l’Algérie puisse continuer à pratiquer cette politique de quotas d’importation alors qu’elle est signataire d’un certain nombre d’accords internationaux avec l’Union européenne et la zone arabe de libre-échange.

Bref, la solution au problème de la facture des importations réside plutôt dans la diversification économique à même de créer des emplois, de la valeur ajoutée, tout en offrant des produits accessibles aux Algériens.

Par Karim Zeidane
Le 13/03/2017 à 19h11, mis à jour le 13/03/2017 à 20h40