Algérie: autopsie d’une très inquiétante crise financière

Mohamed Loukal, ex gouverneur de la Banque central d'Algérie et actuel ministre des Finances.

Mohamed Loukal, ex gouverneur de la Banque central d'Algérie et actuel ministre des Finances.. DR

Le 14/07/2019 à 16h20, mis à jour le 15/07/2019 à 14h07

Déficit budgétaire colossal, recours à la planche à billets, chute des réserves en devises,etc. L’économie algérienne va mal et la crise financière est telle que le gouvernement envisage désormais de sortir du dogme de refus de l’endettement extérieur, pour financer son abyssal déficit budgétaire.

L’économie algérienne va mal, très mal même, et ce, depuis plusieurs années, dans le sillage de la chute des cours du baril de pétrole.

Le pays est en effet fortement dépendant des recettes des hydrocarbures, qui représentent presque 95% des exportations totales du pays, et qui génèrent l’essentiel des recettes budgétaires de l’Etat.

La situation de crise économique s’est davantage corsée avec la révolution, et la purge contre les oligarques, qui contrôlent des pans importants de l’économie algérienne.

Résultat des courses: le pays est financièrement asphyxié et se trouve en pleine crise économique, comme l’attestent les indicateurs économiques distillés par le ministre algérien des Finances, Mohamed Loukal, dans un entretien accordé à l’agence de presse officielle, l'APS.

Concernant le recours au financement conventionnel, communément appelé «Planche à billets», Loukal confirme le gel de ce mode de financement pour l’exercice 2019, tout en ajoutant qu’«il reste un levier important, mais non exclusif, de financement pour le Trésor jusqu’à 2022».

En clair, la planche à billet reste un instrument de financement du pouvoir algérien d’ici 2022.

Ce mode de financement a permis aux gouvernements qui se sont succédés de satisfaire leurs besoins de financement à hauteur de 6.553,2 milliards de dinars algériens, soit environ 55 milliards de dollars, en moins de 3 ans.

Avec le gel de ce mode de financement, pour boucler l’année, le gouvernement table sur une rationalisation soutenue des importations.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement a établi des quotas pour les importations de kits d’assemblages pour les secteurs automobile et électroménager.

En conséquence, ces secteurs tournent aujourd’hui au ralenti, avec les conséquences que l'on sait sur leur production, et donc une perpective de licenciements en masse.

Autre signe de la crise algérienne, le déficit budgétaire demeure important. Alors qu’il s’établissait à 1.590,28 milliards de dinars en 2017, soit 8,5% du PIB, les tensions de trésorerie, consécutifs à l’expansion budgétaire, ont creusé le déficit à 1.952,57 milliards de dinars, soit 9,6% du PIB, dont 900 milliards ont été couverts par la «planche à billets».

Pour 2019, face à une conjoncture plus difficile à cause des manifestations populaires qui ont paralysé une partie de l’économie du pays et mis les investisseurs étrangers dans un inquiétant attentisme, le déficit budgétaire devrait sensiblement croître et atteindre la barre des 2.436 milliards de dinars, soit 11,6% du PIB en 2019.

Quand on sait que la norme généralement admise est d'un déficit de 3% du PIB, on comprend l'ampleur de la crise financière que traverse le pays.

Autre signe de la crise algérienne, le déficit budgétaire demeure important. Alors qu’il s’établissait à 1.590,28 milliards de dinars en 2017, soit 8,5% du PIB, les tensions de trésorerie, consécutifs à l’expansion budgétaire, ont creusé le déficit à 1.952,57 milliards de dinars, soit 9,6% du PIB, dont 900 milliards ont été couverts par la «planche à billets».

Pour 2019, face à une conjoncture plus difficile à cause des manifestations populaires qui ont paralysé une partie de l’économie du pays et mis les investisseurs étrangers dans un inquiétant attentisme, le déficit budgétaire devrait sensiblement croître et atteindre la barre des 2.436 milliards de dinars, soit 11,6% du PIB en 2019.

Quand on sait que la norme généralement admise est d'un déficit de 3% du PIB, on comprend l'ampleur de la crise financière que traverse le pays. 

Cette aggravation du déficit budgétaire, inquiète quant à son financement.

Si le gouvernement dispose de 1.000 milliards de dinars, soit 8,4 milliards de dollars, mobilisés en janvier 2019 via la planche à billets pour couvrir une partie de ce déficit, il faudra toutefois trouver le reste ailleurs, suite au gel du financement alternatif pour le reste de l’année.

Face à cette situation et pour faire face à cet énorme déficit budgétaire, le gouvernement algérien compte se départir d'un de ses dogmes, en recourant à l’endettement extérieur.

«Le recours au financement extérieur ne constitue pas, à l’heure actuelle, une option prioritaire, mais il pourrait être envisagé pour assurer, de manière ciblée, le financement de projets structurants et rentables», a ainsi souligné l’argentier de l’Algérie, dans un entretien accordé à l’agence officielle du pays, l'APS.

Il faut dire que face au déficit budgétaire colossal et au gel de la planche à billets pour le restant de l’année, le gouvernement algérien n’a pas d’autres choix que de recourir à l’endettement extérieur.

Cette perspective a été écartée par tous les gouvernements qui se sont succédés au sommet de l'Etat algérien au cours de ces dernières années. 

Si l'endettement extérieur est désormais une option, le ministre des Finances a écarté d'un revers de main un recours imminent au Fonds monétaire international (FMI), comme le redoutent nombre d’économistes et analystes algériens.

«L’Algérie n’est pas sous la menace du FMI. Nous avons des réserves de change assez confortables, un endettement externe ne dépassant pas 1% du PIB et des sources alternatives qui nous permettent de continuer à assurer les dépenses de l’Etat sans aggraver le recours au financement non conventionnel», a-t-il expliqué.

En ce qui concerne les réserves en devises du pays, leur décrue en inquiète plus d’un. A la fin du mois d'avril dernier, elles s’établissaient à 72,6 milliards de dollars, contre 79,88 milliards de dollars à fin 2018, soit une baisse 7,28 milliards en l’espace de quatre mois seulement.

Il s’agit d’une accélération notable du rythme de la fonte des réserves de change. Celles-ci avaient baissé de 17,45 milliards de dollars en 2018, par rapport à leur niveau de 2017.

A titre de rappel, les projections du ministère des Finances algérien tablaient, lors de la présentation de la loi de finances 2019, sur des avoirs extérieurs s’établissant à 62 milliards de dollars en 2019, 47,8 milliards de dollars en 2020 et 33,8 milliards de dollars en 2021.

En clair, il y a de fort risque que le matelas des réserves de change s'épuise comme ce fut le cas de celui du Fonds de Régulation des Recettes (FRR).

Ce fonds souverain, créé en 2000, comptait 32 milliards de dollars d'actifs sous gestion à fin 2015, avant de s'épuiser totalement en absorbant les déficits budgétaires colossaux de l'Etat.

Une situation d'autant plus prévisible que les réserves en devises du pays avaient atteint 194 milliards de dollars en mai 2014, avant la crise, avant de tomber à 72,6 milliards à fin avril 2019, soit une chute de de plus de 122 milliards de dollars en 5 ans.

Toutefois, le rythme de la baisse des réserves en devises de l'Algérie depuis le début de cette année montre clairement que les avoirs extérieurs devraient tomber sous la barre de 60 milliards et peut être même des 50 milliards de dollars à la fin de l’année 2019, en dépit des mesures prises pour réduire les importations de kits automobiles et des importations d’autres biens.

En conclusion, il est évident que l’économie algérienne traverse en ce moment une crise financière aigue.

Les manifestations populaires qui ne s’affaiblissent pas, et les purges menées contre certains oligarques se traduisent par ailleurs par l’arrêt pur et simple de l’activité de certaines entreprises, ce qui risque d’aggraver davantage la situation, si une sortie de crise n’est pas trouvée.

Pour le moment, malheureusement, c’est le statu quo prédomine au sommet de l’Etat, en attendant la fin des règlements de compte.

Mais qu’en sera-t-il, que deviendra donc l’Algérie, quand les réserves en devises ne pourront vraiment plus permettre aux autorités d’acheter la paix sociale?

Par Moussa Diop
Le 14/07/2019 à 16h20, mis à jour le 15/07/2019 à 14h07