Nul doute que le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique (BTPH) algérien traverse une période critique. Selon El Watan, citant Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (CNEA): «Tout le monde est à l’arrêt. Toutes les entreprises sont bloquées et 80% d’entre elles ont mis la clé sous la porte. Même celles en activité fonctionnent avec un service minimum».
Conséquence, ce sont plus de 4.000 entreprises du secteur qui sont à l’arrêt et plus de 300 000 travailleurs au chômage technique.
C’est vrai que la crise du coronavirus y est pour beaucoup. En effet, de nombreux chantiers se sont retrouvés à l’arrêt à cause du confinement et des conditions de distanciation sociales qu’impose la lutte contre cette pandémie.
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Toutefois, un regard dans le rétroviseur montre que la crise que traverse le secteur du BTPH est antérieure à celle du Covid-19 qui vient ainsi lui porter l’estocade avec à la clé la fermeture de nombreuses entreprises.. Ainsi, au niveau des fabricants de matériaux de construction, la baisse de la production dépasse actuellement les 85% à cause de l’arrêt de la quasi totalité des chantiers importants.
La crise du secteur du BTPH algérien date de 2014, dans le sillage de la crise financière aigüe que traverse le pays depuis cette date à cause de la chute du cours du baril de pétrole. Une situation qui a brusquement entraîné la chute des commandes de l’Etat.
L’Etat a gelé beaucoup de projets d’infrastructures réduisant fortement l’activité du secteur jusqu’à présent dépendante se la commande publique: infrastructures routières, bâtiments, habitat, etc.
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En outre, le secteur a souffert de la situation d’instabilité politique au cours des dernières années de règne de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika puis de sa chute avec la chasse aux oligarques proches du régime exerçant dans le secteur du BTPH, dont l’ancien président du patronat algérien Ali Haddad, actuellement en prison.
Après le changement de régime, le secteur bancaire a été contraint de ne plus financer le secteur resté sous le contrôle de certains oligarques honnis par l’actuel gouvernement. De nombreuses entreprises se sont aussi retrouvées avec des créances impayées qui ont plombé leur trésorerie.
Du coup, certaines grandes entreprises du secteur ont dû stopper leur activité entraînant dans leur sillage une kyrielle de très petites, petites et moyennes entreprises et des milliers d’emplois.
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Ainsi, en prenant en considération ces très petites et moyennes entreprises, plus de 20.000 unités du BTPH étaient quasiment à l’arrêt, selon l’Association générale des entreprises algériennes (AGEA), bien avant que la crise sanitaire ne porte un dur coup au secteur.
Les conséquences de ces faillites sont importantes sachant que ce secteur constitue l’un des moteurs de l’économie algérienne, derrière les hydrocarbures.
Les nombreuses pertes d’emplois dans le BTPH qui représente une masse salariale de plus de 1,5 million de personnes ne manqueront pas d’aggraver les tensions sociales, car si certaines entreprises ont mis une partie de leur personnel en chômage technique, d’autres ont tout simplement procédé à des licenciements.
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Les perspectives ne sont pas reluisantes pour le secteur. La baisse des dépenses publiques à cause de la crise consécutive à la chute du cours du baril de pétrole a réduit les marges de manœuvre de l’Etat qui sera contraint de poursuivre sa politique de gel des programmes de construction d’infrastructures et d’habitats.
Pour atténuer les faillites, l’AGEA avait émis une série de recommandations pour sauver le secteur, parmi lesquelles: une loi d’amnistie générale concernant l’obligation de reverser des charges sociales, fiscales et parafiscales à l’Etat, l’octroi d’assiettes foncières aux promoteurs immobiliers pour la construction de logements, etc.