Par centaines de milliers, les Algériens sortent dans la rue, dans toutes les villes du pays, pour dire non au clan qui se sert d’un Abdelaziz Bouteflika malade pour continuer à garder la main haute sur les affaires du pays.
Ces citoyens ont d’abord rejeté l’option du cinquième mandat d’un président, dont l’incapacité à exercer le pouvoir aurait dû être constatée depuis plusieurs années.
A présent, ils s’opposent farouchement au subterfuge consistant à prolonger l('actuel quatrième mandat à travers une transition gérée par un système qui fossilise et vampirise, depuis de décennies, la vie politique, économique et sociale de ce pays aux immenses richesses naturelles.
Ces mouvements de protestation sont jusqu'ici pacifiques et civilisés, mais susceptibles d’évoluer et de conduire ce pays vers l’inconnu si l'actuel blocage persiste.
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Cette crainte est d’autant plus fondée que ceux qui détiennent le pouvoir à Alger semblent miser sur le pourrissement de la situation pour, en définitive, imposer leur agenda au détriment de la mobilisation populaire.
Que risque-t-il de se passer au-delà du 28 avril 2019, date à laquelle le régime de Bouteflika aura, en téhorie, fini d’exister du point de vue de la légalité constitutionnelle ?
Cette situation, à l’évolution et aux conséquences imprévisibles, inquiète de nombreux analystes et politologues, face à un éventuel impact sur la région du Sahel, en proie à la violence des groupuscules terroristes et des bandes spécialisées dans le crime transfrontalier, dont certains sont dirigés par des Algériens, comme l’introuvable Mokhtar Belmokhtar.
Un contexte dans lequel se multiplient les attaques, dont la plus récente, d’une extrême gravité, a touché une caserne de l’armée malienne à Dioura (dans la région de Mopti, centre du pays), le dimanche 17 mars dernier.
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Cette grosse peur est illustrée par cet éditorial de Dakaractu, signé Babacar Justin Ndiaye qui, dans son éditorial du lundi 18 mars dernier, avertit contre la probable survenue d'une "apocalypse" dans la région sous le titre «Si l’Algérie implose, le Sahel se disloquera et le Sénégal sera directement au contact».
Sur un plan géopolitique, Justin Ndiaye met en évidence cette réalité: «un regard appuyé et insistant sur la partie maghrébine de la carte de l’Afrique génère un «gros plan» sur l’Algérie, immense, peuplée et riche pays qui borde la Méditerranée au Nord, délimite la Tunisie à l’Est, fixe le Maroc à l’Ouest, cet Etat étend singulièrement sa vaste superficie (2.380.000 de kilomètres carrés) jusqu’aux confins de la Mauritanie (Tindouf), aux limites extrêmes du nord Mali (Tamanrasset) et aux bornes frontalières nigéro-libyenne de Djanet et d’In Amenas».
Cette position géographique stratégique fait de l’Algérie «un Etat si central et un socle territorial si névralgique», dont le déséquilibre déstabiliserait forcément ceux qui l’entourent.
Vide en vue
Partant de ces différents paramètres géographiques de la position stratégique de ce pays, l’éditorialiste de Dakar Actu estime que «le vide -en vue- au sommet de l’Etat [algérien, Ndlr] est vertigineux au plan intérieur, et dangereux hors des frontières. Quant à la redoutable implosion (scénario de type syrien), elle donne des frayeurs vives et des sueurs froides aux diplomates, aux observateurs et aux spécialistes. Bref, à tous ceux qui ont «un appétit pour l’avenir» : j’ai nommé la prospective».
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A cet égard, la réflexion est d’office happée par le Sahel qui compte au moins, trois Etats fragiles ou en dérive. «Même le G5 Sahel en entier ne supportera pas, sans ébranlement ni craquellement, les ondes de choc d’une secousse institutionnelle à grande magnitude de l’Algérie. Pour des raisons multiples, car Alger est -par la géographie, la diplomatie et les services secrets-au cœur des enjeux sahélo-sahariens», écrit ainsi cet éditorialiste.
Une fois le décor posé, l’éditorialiste de Dakaractu, Babacar Justin Ndiaye, passe en revue la situation propre à chaque Etat du Sahel, «le flan Sud de l’Algérie correspond aux régions septentrionales du Mali que son Kidal, Gao, Tombouctou et Taoudenni. Une proximité, voire une imbrication qui n’est pas étrangère au repli des islamistes du GIA [Groupe Islamique Armé, Ndlr] dans les sanctuaires montagneux et limitrophes du Mali, ou ils ont fait la jonction et, parfois, la collision avec les irrédentistes touaregs dont certains ont longtemps servi dans les légions auxiliaires ou supplétives de l’armée libyenne du colonel Kadhafi».
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Ce concentré de djihadistes, de rebelles, de condottiere et de trafiquants est évidemment surveillé, complètement infiltré, souvent manipulé et sporadiquement décimé par le DRS algérien, lequel a successivement été commandé par les généraux Médiene Toufik et Bachir Tartag.
Diplomatiquement, c’est Alger qui a assuré la médiation, abrité les négociations et parrainé l’accord éponyme, datant de mai 2015, pour «la paix et la réconciliation».Un accord dont la mise en œuvre reste plombée depuis bientôt 4 ans.
L'éditorialiste insiste sur la dangerosité de ce contexte, avec «un Mali déjà éprouvé, qui sera sûrement disloqué par l’implosion de son puissant voisin [le pays de Bouteflika, Ndlr] lourdement associé à son futur, voire tributaire de son destin».
Et justement, au moment de la publication de l’éditorial de Justin Ndiaye, lundi 18 mars dernier, la cheffe de la diplomatie malienne, Kamissa Camara, se trouvait justement en visite à Alger, malgré la crise qui prévaut actuellement dans ce pays. Faut-il y voir un signe d'une éventuelle inquiétude malienne?
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La configuration sécuritaire de la région donne en effet l’image «d’un maillon malien sérieusement fêlé, à côté duquel survit, cahin-caha, le maillon faible burkinabé. Le Niger également n’est pas à la fête», écrit Justin Nidiaye, puis de poursuivre son écrit par un débat vif et coloré de nationalisme, sur la présence qu'il juge désormais pesante des forces étrangères (celle de l'opération Barkhane de l'armée française, depuis 2014, et la présence en nombre des unités américaines).
Ainsi, poursuit l'éditorialiste sénégalais, «pays sahélien sans siège au G5 Sahel, le Sénégal suit et surveille forcément la complexe conjoncture en Algérie, évalue ses inévitables répercussions dans son voisinage immédiat: le Mali et la Mauritanie. Deux Etats membres de l’OMVS [l'Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal, Ndlr] -l’un [la Mauritanie, Ndlr] est aussi un partenaire [du Sénégal, Ndlr] dans l’exploitation du gaz- qui jouent stratégiquement des rôles de glacis momentanément pour le territoire sénégalais.
La Mauritanie est militairement robuste, tandis que le Mali demeure branlant. Mais pour le Sénégal, l'éditorialiste juge que le temps postélectoral doit rapidement basculer vers l’heure de l’analyse prospective, car la «syrianisation» de l’Algérie post-Bouteflika correspondra à l’âge d’or du terrorisme dans le Sahel. Et en cas de défaillance ou de destruction du verrou mauritanien, «l’armée sénégalaise sera au contact direct des djihadistes», écrit-il.
Un tableau noirci de manière exagérée
Réagissant à l’analyse de Justin Ndiaye, éditorialiste et politologue sénégalais, Isselmou ould Salihi, journaliste mauritanien, fin observateur du phénomène de la violence terroriste au Sahel depuis plusieurs années, réfute quant à lui une thèse «volontairement alarmiste, un tableau exagérément noirci avec des prévisions géostratégiques et sécuritaires apocalyptiques».
Dans une remarque préliminaire, ce journaliste relève, non sans ironie, que l’auteur de l’éditorial du site dakarois «a dû beaucoup lire les scénarii de SAS de Gérard de Villiers».
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Il enchaine en soutenant que «la situation en Algérie reste encore sous contrôle, avec des manifestations pacifiques, non réprimées par les forces de l’ordre. Tout cela montre que la comparaison entre l’Algérie de 2019 et la Syrie de 2011, dont la situation était caractérisée par une intervention étrangère, doublée d’un régime de dictature de parti unique et une réaction féroce du pouvoir conduisant aux massacres de plusieurs centaines de milliers de personnes, est manifestement abusive. Dans ce pays, il existe un certain multipartisme, une opposition légalement reconnue et une presse relativement libre, comme on en retrouve dans d’autres Etats africains, avec les problèmes et manquements propres à chacun de nos Etats. Au final, cet écrit est tout juste un brillant plaidoyer pour une place du Sénégal à la table du G5 Sahel», argumente ce journaliste mauritanien.
Pour sa part, Moussa ould Hamed, ancien directeur général de l’Agence mauritanienne d’information (AMI), admet d’emblée les réalités géostratégique et sécuritaires basiques qui vont s'imposer à la région, en cas d'implosion de l'Algérie: «tout ce qui se passe en Algérie aura forcément des conséquences dans les pays du Sahel. Cependant, il est encore possible que l’oligarchie militaire dans ce pays trouve un nouveau moyen de calmer la rue par différents subterfuges pour éviter une implosion totale, préjudiciable au voisinage et dont les conséquences seraient, pour certaines positives, mais d’autres négatives, en tout cas imprévisibles pour toute la région», déclare-t-il, se voulant toutefois apaisant.