Algérie: quand Tebboune se défend d’être le «candidat de l’armée» en paraphrasant Gaïd Salah

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Le 25/11/2019 à 19h32, mis à jour le 27/11/2019 à 15h42

Le candidat à la présidentielle algérienne Abdelmadjid Tebboune s’est défendu d’être le candidat de l’armée. Une étiquette qui lui colle à la peau et dont il aura du mal à s’en débarrasser, et ce d’autant qu’il tend, pour se justifier, à paraphraser Gaïd Salah.

Abdelmadjid Tebboune est-il le candidat de l’armée? L'ancien et bref Premier ministre de Bouteflika s’est défendu bec et ongles contre cette étiquette qui lui colle la peau depuis l’annonce de sa candidature. Ce qui rend sa campagne électorale encore plus difficile que les quatre autres candidats à la présidentielle du 12 décembre prochain.

Et afin de se démarquer de celle-ci, l’homme ne rate aucune de ses sorties pour marteler qu’il est loin d’être le candidat de l’institution militaire.

«L’insistance à me présenter comme étant le candidat de l’armée ou du régime est un folklore politique», a-t-il souligné lors du forum du quotidien El Hiwar. A court d’arguments, et pour se justifier, il n’a rien trouvé de mieux que de reprendre l’argument de Gaïd Salah, comme quoi l’armée n’a aucune «ambition politique». Mieux encore, il ajoutera une citation de la revue El Djeich, selon laquelle «l’ère de la fabrication des présidents est révolue».

Et clair, pour se défendre, Tebboune se tourne vers l’institution militaire pour y puiser des «arguments».

Pire, à l’instar de Gaïd Salah, pour qui tout ce qui s’oppose à sa volonté émane de la «bande», y compris le peuple qui manifeste quotidiennement contre la présidentielle prochaine, le candidat Tebboune, lui aussi, accuse la «bande». Pour lui, c’est «la bande qui continue de diffuser une manipulation provenant d’outre-mer sur un prétendu pouvoir militaire avec une façade civile». D’ailleurs, il attribue les perturbations de sa campagne électorale à «une campagne orchestrée par la bande».

Finalement, on est à se demander si Tebboune et Gaïd Salah ne sont pas les deux faces d’une même médaille.

En plus, ils ont aussi un autre point commun: leur désamour vis-à-vis des oligarques. On se rappelle que durant son éphémère passage à la primature, Tebboune s’était opposé aux oligarques et souhaité enclencher une lutte contre la corruption qui allait ébranler de nombreux oligarques proches de Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, dont particulièrement avec Ali Haddad, l’ancien du Forum des chefs d’entreprises (FCE) algériens, actuellement en prison avec de nombreux oligarques proches du clan Bouteflika. Cette croisade contre les oligarques fut d’ailleurs la principale raison du départ rapide de Tebboune de la primature après seulement 2 mois et 20 jours.

D’ailleurs, l’un de ses engagements en cas d’élection à la magistrature suprême est la poursuite de la campagne initiée par Gaïd Salah contre al corruption et pour laquelle de nombreux hommes politiques et oligarques sont aujourd’hui emprisonnés. Il a en outre promis de ramener les fonds détournés et cachés à l’étranger, notamment les paradis fiscaux, en avançant détenir une «recette légale» pour y parvenir.

Le site algeripatriote.com soulignait récemment qu’«Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, et Abdelmadjid Tebboune, ancien Premier ministre, travaillent la main dans la main depuis des années pour conquérir ensemble le pouvoir. Ils forment à eux deux le duo conventionnel idéal qui représente les deux facettes traditionnelles du système de pouvoir algérien. Le premier est détenteur de l’autorité militaire et l’autre la potentialité de la représentation du pouvoir de façade». 

Bref, Tebboune, même s’il ne le dit pas, à tout pour plaire aux militaires, particulièrement à Gaïd Salah. Toutefois, il a raison de se démarquer de celui-ci dans le contexte actuel.

C’est une mauvaise chose de se faire coller l’étiquette d’être adoubé par l’armée alors que le peuple manifeste quotidiennement contre l’institution militaire dirigée par Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, qui s’est accaparé la victoire du peuple sur le «bouteflikisme». 

En tout cas, candidat de l’armée ou pas, il sera difficile aux Algériens d’accepter Tebboune, en exercice depuis l’époque de Houari Boumédiène, de porter le changement tant espéré par le peuple.

Par Karim Zeidane
Le 25/11/2019 à 19h32, mis à jour le 27/11/2019 à 15h42