Armée algérienne: énième remous avec le retour de Khaled Nezzar et une plainte qui cible les enfants de Gaïd Salah

DR

Le 21/12/2020 à 18h25, mis à jour le 22/12/2020 à 16h41

Il se déroule une nouvelle guerre de clans au sein du pouvoir militaire algérien que confirment deux évènements majeurs qui se sont produits à quelques jours d'intervalles. Les adversaires d'Abdemadjid Tebboune semblent poser des actes de nature à fragiliser davantage l'actuel président algérien.

Au vu des évènements qui s'enchaînent en cette fin d'année 2020, Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé depuis près de deux mois en Allemagne semble de plus en plus fragilisé. En l'aspace de quelques jours, il s'est passé deux faits majeurs qui sont loin d'être le fait du hasard et dont les adservaires de feu Gaïd Salah, et donc de Tebboune, au sein même du pouvoir sont désignés comme les instigateurs. D'une part, l'ancien député d'Annaba, Baha Eddine Tliba, fait une dénonciation contre les fils d'Ahmed Gaïd Salah, alors que d'autre part, le général Khaled Nezzar revient incognito en Algérie. Les deux font partie des ennemis jurés du clan qu'a laissé Ahmed Gaïd Salah, avant de partir.

"Le timing indique clairement des manoeuvres purement politiques dans l’objectif de torpiller le clan Tebboune qui continue de s’accrocher au pouvoir en dépit de plus de deux mois de l’absence de l’actuel Chef d’Etat au palais présidentiel d’El-Mouradia", écrit le site d'information algérie Part. Selon cette source, "la nouvelle sortie de Tliba dévoile plus que jamais le début d’une nouvelle guerre de clans au sein du régime algérien pour la succession du président malade et affaibli Abdelmadjid Tebboune".

Khaled Nezzar est sur le sol algérien depuis une dizaine de jours, alors qu'il fait l'objet d'une condamnation par contumace à 20 ans de prison ferme. A cause de cette condamnation, le général Khaled Nezzar faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international. Or il est clair que c'est son initimité avec feu Gaïd Salah qui lui a valu tous ces déboires.

En tout cas, citant son fils Lotfi, la presse algérienne, notamment le quotidien El Watan et le site d'information Liberté Algérie confirment ce retour au pays "depuis une dizaine de jours". Sauf qu'il n'est pas sûr qu'il ait été arrêté. En tout cas aucune des deux sources n'apporte cette précision, ce qui laisse supposer qu'il est de retour, mais reste libre. Le régime algérien se serait empressé de communiquer dans ce sens en braquant les projecteurs sur lui, comme cela a été fait avec l'ensemble des caciques qui croupissent actuellement en prison.

Il convient d'ailleurs de rappeler que ses co-accusés dans l'affaire de "complot contre l'autorité" et "de l’Armée", dans laquelle étaient également poursuivis Louisa Hanoune, Said Bouteflika et les généraux Mohamed Mediène, dit Toufik, et Bachir Tartag, sont tous atcuellement en prison. Lui seul avait réussi à passer entre les mailles du filet notamment en se rendant en Europe.

L'autre personnage qui fait parler de lui est Baha Eddine Tliba, l'ex-député du Front de libération nationale (FLN) qui s'était tellement enrichi sous le régime du duo Bouteflika-Gaïd Salah qu'il a été affublé du sobriquet d'"Emir du Qatar d'Annaba". C'est donc lui, qui était en affaire avec les fils d'Ahmed GaÏd Salah et qui est en prison depuis plus d'une année, qui s'est réveillé ce lundi pour faire une dénonciation auprès de la justice contre la progéniture de l'ancien chef d'état-major général de l'armée nationale populaire.

Baha Eddine Tliba, connu pour ses sorties médiatiques, a mandaté son avocat pour dire à la justice qu'il détenait des dossiers compromettants contre Mourad, Boumediene, Hichem et Adel Gaïd Salah, ainsi que Aroua Abdelmalek qui n'est autre que le gendre de l'ex-chef de l'armée et qui exerce en tant que médedin au bureau militaire à l'ambassade d'Algérie à Paris.

“Même s’il est en prison, notre mandant s’est mis au service de la justice à l’ère de la nouvelle Algérie pour dénoncer les malversations et la richesse d’origine douteuse d’un groupe composé des membres d’une même famille. Eu égard à son statut, il détient des preuves irréfutables et vérifiables sur les pratiques de ce réseau qu’il compte mettre à la disposition de la justice”, a expliqué l'un des avocats faisant partie du collectif assurant sa défense, en l'occurrence Me Amrani Chemseddine.

Il est évident que Tliba possède des informations compromettantes contre les fils de Gaïd Salah qui sont des protégés du président Abdelmadjid Tebboune, en gage de fidélité à leur père à qui il doit d'avoir été élu président de la République en décembre dernier. L'ex-deuxième vice-président de l'Assemble nationale populaire était en affaire avec Boumédiène Gaïd Salah, son "associé dans plusieurs entreprises basées à Annaba", rappelle le site d'information Algérie Part.

Quoi qu'il en soit, cette sortie de Tliba, qui purge une peine de 7 ans de prison depuis son arrestation le 17 octobre 2019, est loin d'être fortuite. Car, Tliba sait pertinemment qu'en s'attaquant aux protégés du président Tebboune, il s'expose à la colère de ce dernier et qu'il prend ainsi le risque de voir sa peine alourdie. Parce que, pour l'heure, il n'a été condamné que pour trafic de devises avec deux autres complices.

Tliba n'est évidemment pas un homme aussi téméraire pour foncer la tête la première dans un inextricable bourbier. Beaucoup en Algérie estiment que sa sortie est dictée par les adversaires de Tebboune qui vont non seulement le protéger, mais qui peuvent aussi réduire sa peine.

"Force est de constater que ni pendant son premier procès en septembre dernier ni au cours de son procès en appel à la fin du mois de novembre passé, Baha Eddine Tliba n’a formulé la moindre accusation ouverte contre la famille d’Ahmed Gaid Salah", analyse le site Algérie Part.

Et d'ajouter: "L’ex-député FLN d’Annaba ne s’est jamais exprimé sur ses affaires avec les enfants du défunt chef d’état-major de l’ANP. Pendant plus d’une année qu’il est en prison, ses avocats n’ont dévoilé aucune intention d’entreprendre une démarche judiciaire à l’encontre de la famille Gaid Salah".

La question qui se pose alors est de savoir "pourquoi seulement maintenant". "Il faut être vraiment naïf pour croire que Tliba se réveille enfin pour soulager sa conscience en révélant les secrets de l’enrichissement illicite de la famille Gaid Salah", poursuit la même source.

En tout cas, tout laisse penser que cette synchronisation de la sortie de Tliba et du retour du général Khaled Nezzar ne relève pas du hasard.

"Cette manoeuvre entre clairement dans une nouvelle configuration des rapports de force au sein du régime algérien", conclut Algérie Part. Toutes les informations que détiennent Tliba et Nezzar ne feront qu'affaiblir Tebboune et ses soutiens aussi bien politiques que militaires.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 21/12/2020 à 18h25, mis à jour le 22/12/2020 à 16h41