C’est devenu très compliqué pour la puissance économique africaine. Pour le troisième trimestre consécutif, le Produit intérieur brut recule. Cette fois, de manière beaucoup plus forte que lors des deux trimestres précédents, ce qui fixe la contraction sur un an à 2,24%, d’après les chiffres de l’Office national des statistiques (ONS) publiés lundi.
Depuis plusieurs mois, le Nigeria ne cesse de montrer ses faiblesses. Il y a d’abord eu la baisse de la production pétrolière.
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Cette dernière qui atteignait 2,35 millions de barils jours dans les années fastes est passée à une moyenne 1,63 million de barils, notamment entre juin et septembre. Une légère reprise s’amorce, mais pas suffisamment pour inverser la tendance. Ensuite, les cours du brut peinent à se redresser, après leur plongeon de 2014. Le baril ne parvient toujours pas à franchir la barre des 50 dollars et à s’y stabiliser.
Un géant unijambiste
De façon générale, le secteur pétrolier s’est replié de 22% en 2016, par rapport à 2015, d’après l’ONS. Du coup, le Nigeria a perdu sa place de premier exportateur de pétrole d’Afrique subsaharienne, au profit de l’Angola. Dans un pays où le pétrole finance 70% du budget de l’Etat et assure 90% des revenus d’exportations, cette situation a de sévères répercussions. D’autant que depuis la découverte de l’or noir dans les années 1960, le Nigeria n’a jamais réellement cherché à diversifier son économie.
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Conséquence de cette chute de production et du recul des cours, il y a pénurie de devises étrangères. La Banque centrale a été obligée de procéder à la révision du taux de change en laissant flotter le naira. Du coup, le dollar qui s’échangeait à 200 nairas est passé à 320 sur le marché officiel, marquant une dépréciation de 33%. Cela c’est juste dans le circuit bancaire. Mais, pénurie oblige, les banques sont incapables de fournir des devises à l’ensemble de l’économie. Entreprises et particuliers se rabattent sur un marché noir qui ne s’est jamais aussi bien porté. Le dollar s’y échange à 440 nairas. Pour les banquiers véreux et leurs complices gérant les fameux Forex, il n’a jamais été aussi facile de s’enrichir. Entre le marché officiel et le marché noir, chaque malheureux dollar rapporte 120 nairas.
Les oléoducs continuent de sauter
Dans un pays où la plupart des biens de consommations sont importés, ce recul de la valeur de la monnaie locale est lourdement ressenti au niveau du pouvoir d’achat. L’inflation a atteint le niveau astronomique de 18% à fin septembre. Une chose en entraînant toujours une autre, le secteur industriel est frappé de plein fouet par cette dépréciation du naira, qui elle-même vient de la pénurie de devises. L’industrie nigériane a subi un recul de 2,9%, toujours d’après l’ONS, puisque la pénurie de devises rend coûteuses les importations de biens intermédiaires.
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La reprise annoncée il y a deux semaines par le ministre du Pétrole est de plus en plus compromise. Les Vengeurs du Delta du Niger, le groupe rebelle le plus actif, ont mis fin à la trêve qu’ils avaient officiellement décrétée. Pas plus tard que la semaine dernière, ils ont fait exploser un oléoduc exploité par Agip, et qui faisait transiter à lui seul 300.000 barils/jour.
Pessimisme des experts
Cet état de fait laisse penser que la situation peut empirer. "Des réformes sont nécessaires pour sauver l'économie, et jusqu'à présent, elles ont été évasives", a expliqué Razia Khan, économiste à la Standard Chartered Bank. Pour sa part, l'agence BMI Research avait annoncé un regain de la croissance grâce à la réouverture d'un terminal pétrolier, Forcados (215.000 bpj) qui devait intervenir durant le mois d'octobre. De nouvelles attaques, notamment le 13 octobre sur l'un des oléoducs, et des menaces continuelles ont retardé sa réouverture.
"Avec une production de pétrole qui devrait également chuter au 4e trimestre, il est trop tôt pour penser que le Nigeria est au plus bas", selon John Ashbourne, économiste pour Capital Economics, spécialiste de l'Afrique. "Malgré les efforts du gouvernement pour encourager la production domestique -et donc, de moins dépendre de ses importations-, le secteur industriel a lui aussi été ralenti", note J. Ashbourne, qualifiant la politique financière du gouvernement Buhari d'"incohérente" et "menaçante" pour l'économie.