Il lui aura fallu six mois pour nommer son ministre des Finances. Le président a ensuite longtemps refusé de dévaluer la monnaie nationale pour ne pas "tuer le naira", malgré les conseils insistants d'économistes. Il s'y est finalement résolu, mais trop tard. Le cours du naira continue de dégringoler face au dollar sur le marché noir et l'inflation s'est envolée à 18% en octobre.
Cette apparente apathie devant la crise a effrayé les investisseurs, et les critiques pleuvent de toutes parts. Depuis plus d'un mois, les députés n'ont cessé de lui tenir tête, réclamant une politique économique plus transparente pour sortir le pays de la crise.
Début novembre, le Sénat a rejeté en bloc la demande du président Buhari pour emprunter 30 milliards de dollars aux institutions internationales, assurant que les "documents fournis n'étaient pas suffisants".
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Le Sénat a également "exprimé sa surprise" et empêché une nouvelle loi qui prévoyait de punir, ou même d'emprisonner toute personne gardant des dollars en sa possession pendant plusieurs semaines, en pleine pénurie de devises étrangères.
Cette mesure "menace d'anéantir tous les efforts de réformes (...) pour encourager le retour de la confiance des investisseurs", selon le porte-parole du Sénat.
En octobre, la première dame, Aisha Buhari avait déclaré à la BBC qu'elle pourrait ne pas soutenir son époux s'il briguait un second mandat, suggérant qu'il avait perdu le contrôle sur son entourage et son gouvernement.
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Furieux, le président a répondu que la place de son épouse était "dans la cuisine". "Il n'est pas facile de satisfaire tous les partis d'opposition", a-t-il toutefois ajouté.
Paralysie politique
"Le président peine à faire passer un quelconque projet législatif", a déclaré à l'AFP John Ashbourne, un expert du centre de recherches Capital Economics. "Cela n'arrange pas cette impression qu'il y a une paralysie politique, alors que le pays est en crise et a besoin que ses dirigeants agissent. Il ne peut rien se passer si Buhari est incapable de négocier."
L'économie du Nigeria s'est contractée de 2,2% au 3e trimestre, un repli de croissance encore plus important que toutes les prévisions, dû notamment aux rebelles indépendantistes dans le Delta qui font exploser des infrastructures pétrolières.
"La récession commence vraiment à faire mal", commente Razia Khan, analyste pour l'Afrique à la banque britannique Standard Chartered Bank.
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La pénurie de devises étrangères "a de lourdes conséquences sur la croissance. On voit peu d'initiatives qui tendraient à résoudre ce problème", note-t-elle.
Le budget très important de l'Etat, voté pour l'année 2016, était censé redynamiser la croissance.
Mais en octobre, le ministre du Budget a reconnu n'avoir dépensé que la moitié du budget annuel: la production de pétrole, qui représente 70% des revenus du pays, est durement impactée par les sabotages sur les installations d'hydrocarbures dans le Delta.
Elle a chuté de 22% par rapport à l'année dernière, tombant à 1,6 millions de barils par jour.
Etat militaire
Aucun signe ne laisse penser que les attaques vont diminuer. Les négociations entre rebelles et gouvernement, commencées en août n'ont pour l'instant rien donné.
"Le président Buhari et son gouvernement n'ont pas réussi pour l'instant à avoir un dialogue constructif avec les militants", écrivait Rhidoy Rashid, analyste pétrolier pour le cabinet de conseil indépendant Energy Aspects dans un rapport récent.
"L'armée nigériane, selon lui, continue ses opérations dans le Delta, ce qui accroît les tensions avec la population et n'a pour l'instant aucun effet sur les rebelles".
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Les investisseurs attendent toujours un plan concret du gouvernement pour sortir de la crise, selon Manji Cheto, analyste en risques pour le cabinet de conseil américain Teneo Intelligence.
"J'ai le sentiment qu'il continue à diriger le Nigeria comme du temps où le pays était un Etat militaire", commente Mme Cheto. "Je crois vraiment que le soutien et la confiance dont il bénéficiait disparaît."
Une perception confirmée par les sondages: l'année dernière, 80% des Nigérians soutenaient Buhari, selon BMI Research, filiale du groupe de services financiers Fitch. En septembre, ils n'étaient plus que 41%.