L’Afrique a jusqu'à présent contredit les prévisions les plus pessimistes concernant le nombre de décès qu’occasionne le Covid-19 sur son territoire. Parmi celles-ci figure en bonne place celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui y prédit 190.000 morts.
Après de multiples annonces alarmistes, spécialistes et hommes de médias des pays européens s’interrogent sur l’apparente résistance du continent, pourtant démuni de tout ou presque, particulièrement en ce qui concerne les infrastructures sanitaires.
Les statistiques montrent une tendance à l’accélération de la contagion, ces dernières semaines. Le cap des 120.000 cas confirmés est presque atteint en cette fin de journée du mardi 26 mai. Mais le nombre de décès enregistrés prouve que l’hécatombe annoncée est encore loin d’être une réalité, en tout cas pas pour le moment.
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En effet, le continent a enregistré seulement 3.550 décès liés au coronavirus, soit un taux de létalité de 2,95%, contre une moyenne mondiale de 6,20%. L’Afrique, qui pèse 16,67% de la population mondiale, ne compte que 2,13% des cas de Covid-19 détectés dans le monde et surtout moins de 1% des décès liés au coronavirus au niveau de la planète.
A titre de comparaison, lorsque l’Italie avait atteint, le 3 avril, 119.827 cas confirmés, elle comptait 14.681 morts. Pour la France, avec 120.804 cas le 23 avril, le nombre de décès était de 13.547. Quant à l’Espagne, elle dénombrait 117.710 cas détectés le 3 avril, dont 11.000 décès.
Comme on le voit, pour un nombre de malades similaire, le continent africain affiche environ 4 fois moins de décès que la moyenne de ces trois pays.
Globalement, le continent affiche une étonnante résilience face au Covid-19. Même l’Afrique du Sud, pays qui y est le plus touché par la pandémie, avec 23.615 cas confirmés, ne compte que 481 décès, soit un taux de létalité de 2,04%. A l’échelle mondiale, on compte 5,62 millions de cas confirmés pour 348.545 décès, soit un taux de létalité de 6,2%.
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Pour le moment, ne disposant pas du recul nécessaire, aucune étude rigoureuse n’a été entreprise pour expliquer cette résistance. Toutes les inquiétudes étaient concentrées sur les problèmes du continent pour faire face à la pandémie. On redoutait notamment son déficit abyssal en infrastructures sanitaires, son manque d’eau potable nécessaire à un lavage des mains régulier, l’absence de masques pour se protéger… mais aussi à cause des structures sociales (familles élargies vivant sous le même toit) qui sont inadaptées aux distanciations sociales. Plusieurs hypothèses sont désormais avancées.
Des porteurs sains et la jeunesse de la population
Des observateurs parlent d’un nombre élevé de porteurs sains du coronavirus sur le continent, qui s’expliquerait notamment par la jeunesse de sa population.
En effet, la moyenne d’âge africaine est de 19 ans, soit deux fois moindre que celle des Etats-Unis (38 ans) et très inférieure à celle d’un continent vieillissant tel que l’Europe (43 ans).
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Or, les patients atteints du Covid-19 les plus exposés sont les personnes âgées. C’est probablement l’une des clés d’explication de la faible létalité du coronavirus en Afrique, ainsi que du faible nombre de cas confirmés, sachant que le plus souvent les tests ne sont effectués qu’auprès des personnes de contacts d’un malade déjà identifié.
La chloroquine, malgré la controverse
Une autre explication avancée est l’usage de la chloroquine et/ou des médicaments antipaludéens qui sont considérés, malgré la polémique, comme le seul traitement possiblement valable sur le continent.
Le protocole à base de chloroquine est considéré comme ayant fortement contribué à faire baisser le taux de létalité du Covid-19 dans certains pays africains. C’est particulièrement le cas en Algérie, qui caracolait en tête des décès liés au coronavirus en Afrique, avant d’adopter le traitement popularisé par le controversé docteur français, Didier Raoult. Les autorités sanitaires d’Alger ont insisté sur la réduction de la létalité et la hausse des guérisons depuis l’adoption de la chloroquine. Idem pour les autorités sanitaires sénégalaises.
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Le Maroc, le Sénégal et l’Algérie figurent parmi les pays qui ont officiellement adopté le protocole. Ils annoncent de bons résultats obtenus avec ce traitement, dont une baisse des décès à mesure que les contaminations augmentaient.
En conséquence, certains n’hésitent pas à franchir le pas et veulent expliquer le peu de cas de contamination et la résistance des Africains, notamment ceux au sud du Sahara, par l’usage chronique des traitements antipaludiques (ou contre d’autres maladies) qui auraient fini par «immuniser» la population.
Suite aux succès supposés de la chloroquine, les médicaments dérivés, dont la Nivaquine, ont fini par disparaître des rayons des pharmacies du continent, à cause de la forte demande des populations.
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S’il est encore trop tôt pour trancher sur l’efficacité de la chloroquine en tant que traitement préventif et/ou curatif du Covid-19, son rôle éventuel dans la faible létalité du coronavirus en Afrique ne semble pas pouvoir être écarté d’un revers de la main.
La mélanine !
Certains sont allés jusqu’à expliquer la faible létalité chez les Africains par l’effet de la mélanine, en avançant que peut-être les personnes de «race noire» résisteraient mieux au Covid-19. Ils poussent leur hypothèse en soulignant que l’Afrique du Nord –Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Egypte– concentre à elle seule presque la moitié des 3.550 décès du continent, avec 1.635 morts, soit plus de 460%. Alors que les 49 autres pays n’en comptent qu’autour de 1.915.
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Cet argument lié à la mélanine est réfuté par le fait qu’aux Etats-Unis, parmi les populations les plus touchées, figurent les Afro-Américains. Même si ceux-ci sont aussi connus pour être l’une des populations les plus à risque, en Amérique, à cause d’un certain nombre de facteurs de comorbidité qui y sont répandus, comme l’obésité, le diabète et autres maladies qui rendent le Covid-19 généralement fatal.
Le climat et le soleil comme sources de protection
D’autres préfèrent parler d’une protection offerte par le climat chaud et sec du continent, notamment en Afrique subsaharienne. Ils avancent, sans preuve concrète pour le moment, que le virus Sars-Cov-2, à l’instar d’autres virus de la grippe, serait fragile et ne supporterait pas les rayons solaires. En effet, le continent est généralement épargné par de nombreux virus saisonniers. Ce facteur est donc avancé pour justifier la faible propagation du Covid-19 et son taux de létalité moindre en Afrique.
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Seulement, le nouveau coronavirus semble être différent des autres virus et les experts ne sont pas unanimes sur l’impact de la chaleur sur sa prolifération.
Un continent déjà préparé par de multiples épidémies
Par ailleurs, certains pensent que la résilience de l’Afrique s’explique par le fait que le continent est continuellement en lutte contre des épidémies: paludisme, malaria, Ebola, VIH… Leur gestion a conféré une certaine expérience à de nombreux pays du continent, les préparant à la lutte contre le Covid-19.
Des experts avancent aussi que le caractère tardif de l’apparition des premiers cas de Covid-19 a permis au continent de mieux se préparer. A ce titre, il faut souligner que lors du déclenchement de la pandémie, le continent ne disposait que de deux laboratoires à même d’effectuer des dépistages du coronavirus. Mais lorsque les premiers cas sont apparus, tous les pays ou presque se sont équipés de centres de tests, grâce à l’aide de l’OMS.
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En outre, et contrairement à l'Union européenne et aux Etats-Unis, les pays africains ont très rapidement pris des mesures pour ralentir la pandémie: confinement de la population, couvre-feu, interdiction de rassemblement, interdiction des prières collectives, fermeture des frontières, etc. Autant de facteurs qui ont contribué à limiter les contagions, dans des Etats conscients de ce que leurs systèmes sanitaires ne pouvaient faire face aux ravages de la pandémie.
Des statistiques biaisées
Enfin, on ne peut pas le négliger, le nombre bas des décès s’explique aussi par un comptage approximatif. Les statistiques dans de nombreux pays africains ne sont pas fiables.
En raison de la difficulté d’accès aux tests pour le grand public, le véritable nombre d’infections est probablement bien supérieur à celui publié. Cela est valable aussi pour les pays développés, mais dans une moindre mesure. Il en découle que le nombre de décès par le Covid-19 en Afrique est biaisé. Toutefois, on reste loin de l’hécatombe annoncée.
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Bref, le continent africain a fait plus que résister face au coronavirus, jusqu’à présent. Mais, pour disposer d’une explication scientifique, il faudra encore des mois, voire des années afin que l’on puisse apporter une réponse claire sur les facteurs à l’origine de cette résilience.
En attendant, les explications qui ne sont démenties nulle part sont celles qui reposent sur la prévention : lavage des mains, port de masque, utilisation de gel hydroalcoolique, distanciation sociale, etc. Et l’Afrique, du fait de la faiblesse de ses infrastructures sanitaires, doit mettre l’accent sur cette prévention: «mieux vaut prévenir que guérir».