Quelques jours après la présentation de ses lettres de créances au président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz, le 20 juin dernier, Hamid Chabar, le nouvel ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume du Maroc en Mauritanie, affiche ses marques et lève un peu le voile sur sa mission.
«Nous allons travailler avec la Mauritanie, direction, gouvernement et peuple dans l’intérêt mutuel de nos deux pays frères», avait–il annoncé à la sortie de l’audience que lui avait accordée le président mauritanien.
Cette présentation des lettres de créances intervient dans un contexte marqué par un réchauffement notable des relations entre les deux pays, même si tous les nuages ne se sont pas encore dissipés.
Ainsi, à peine un mois après cette réception, le diplomate marocain a effectué une visite très remarquée à Nouadhibou, la capitale économique de la Mauritanie, située à la frontière avec le Royaume du Maroc, affichant ainsi sa volonté à donner au volet économique une importance cruciale.
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Pour ce déplacement, l’ambassadeur a expliqué qu’il vise à examiner les voies et moyens de renforcer les relations de coopération et de partenariat entre le pôle économique de Nouadhibou et les principaux pôles économiques du Maroc.
Il faut dire que si au niveau des échanges commerciaux, le Maroc est actuellement le premier partenaire commercial de la Mauritanie en Afrique et représente environ 30% des échanges commerciaux entre la Mauritanie et le reste du continent, au niveau des investissements, on note une faible présence des entreprises marocaines (Attijariwafa bank, Maroc Telecom, Unimer, etc.), eu égard à la proximité géographique, du positionnement de la Mauritanie et des multiples opportunités d'investissements qu'offre le pays dans divers domaines.
C’est le cas notamment du secteur halieutique où les importantes ressources du pays peuvent bénéficier de l’expertise marocaine dans le domaine de la transformation des produits de la mer. Ainsi, l’absence d’unités de conserve de poissons empêche la Mauritanie de mieux tirer profit de son immense potentiel halieutique étant donné que ces ressources sont exportées sans transformation, hormis celle relative à la farine de poisson.
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Or, en la matière, les unités de conserve marocaines jouissent d’une expertise reconnue et leurs produits sont exportés vers les marchés les plus réputés. En s'implantant, ces unités pourraient créer de la valeur ajoutée et surtout des emplois. De même, au niveau minier, l’expertise marocaine peut contribuer à l’exploitation des ressources naturelles (fer, cuivre, or, etc.) dans le cadre de partenariats gagnant-gagnant.
C’est dans cette optique que l’ambassadeur marocain a visité la Zone franche de Nouadhibou (ZFN) et la Société nationale industrielle et minière (SNIM). Au niveau de la ZFN, où on recense déjà 9 entreprises marocaines et 5 entreprises à capitaux mixtes mauritano-marocains pour des investissements estimés à hauteur de 40 millions d’euros, l'objectif est de voir comment attirer davantage d'entrepises marocaines au niveau de cette plateforme.
Pour la SNIM, la plus importante entreprise mauritanienne et dont l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) du Maroc détient une participation minoritaire de 2,30% dans le capital, l’ambassadeur a souligné sa volonté d’explorer «les voies et moyens de développer la coopération entre la SNIM et les entreprises marocaines dans le domaine de l’exploitation minière, ferroviaire et de la formation».
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Ainsi, à travers cette démarche très appréciée, l’ambassadeur marocain essaye de donner une nouvelle impulsion aux relations économiques entre les deux pays qui sont de plus en plus interdépendants.
La Mauritanie est dépendante de nombreux produits venant du Maroc dont particulièrement les légumes, fruits et autres produits de consommation qui garnissent les grandes boutiques et les supermarchés de Nouakchott et Nouadhibou. Le va-et-vient des camions venant du Maroc et transportant des marchandises illustre cette dynamique des échanges qui apportent aussi d’importantes rentrées de devises à la Mauritanie. Le poste de Guerguerate étant devenu le premier poste frontalier en termes de recettes douanières.
Le Maroc aussi a besoin de la Mauritanie pour mieux développer ses courants d'affaires avec l'Afrique de l'ouest. En l'absence d'une ligne maritime régulière, les camions marocains approvisionnant les marchés sénégalais, maliens et au-delà passent inévitablement par la Mauritanie. Ce flux incessant de camions allant vers des pays d’Afrique de l’ouest pourrait connaitre une nouvelle dynamique avec l’adhésion en vue du Maroc au sein de l’espace CEDEAO, sachant qu’en devenant le 16e membre de cet espace, le Maroc sera séparé de celui-ci par la Mauritanie qui n’en est que membre associé.
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Au-delà du volet économique, l’ambassadeur a aussi voulu apporter sa touche au niveau social en faisant de l’amélioration de la circulation des personnes entre les deux pays une priorité. A ce titre, contrairement aux autres pays de la sous-région (Sénégal, Mali, Niger, Guinée, Côte d’Ivoire, Gambie, etc.) où les Mauritaniens peuvent voyager sans visa, il faut souligner que celui-ci est encore en vigueur entre la Mauritanie et le Maroc.
Sur ce point, depuis l’inauguration de la nouvelle ambassade marocaine et surtout depuis la nomination de Hamid Chabar, les choses évoluent positivement. L’ambassadeur a affiché clairement sa détermination à améliorer la libre circulation des personnes entre les deux pays en donnant des instructions fermes pour reserver un accueil adéquat aux Mauritaniens demandeurs de visas dans les locaux de l’ambassade et du consulat de Nouadhibou. Mieux, il a mis l’accent sur la célérité du traitement des dossiers avec un délai de rigueur de 24h.
Bref, Hamid Chabar souhaite impulser une nouvelle dynamique entre les deux pays au-delà des conjectures politiques qui grippent de temps en temps les relations de voisinage entre les deux pays.
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Ainsi, ce connaisseur des rouages politiques, qui fut ambassadeur au Ghana et représentant permanent adjoint du Royaume du Maroc auprès de l’ONU à New York, Wali de la région Oued Eddahab-Lagouira, chargé de la Coordination avec la Minurso, donc un grand connaisseur du dossier du Sahara marocain, condition sine qua none pour occuper le poste stratégique d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Nouakchott, traduit la volonté claire de faire de la diplomatie économique initiée par le roi Mohammed VI vers l’Afrique à travers des partenariats gagnant-gagnant, un levier fondamental de sa principale mission à Nouakchott.