Si le développement des banques marocaines en Afrique date du début des années 1990, c’est surtout au cours des années 2000-2010 que cette expansion s’est accélérée. Aujourd’hui, les trois premières grandes banques marocaines, prises ensembles, sont présentes dans toutes les régions du continent, et dominent nettement les secteurs bancaires en Afrique de l’ouest et centrale.
Qu’est ce qui explique cette propension au développement des banques marocaines sur le continent, au point qu’elles sont devenues aujourd’hui incontournables dans l’échiquier bancaire et le financement des économies africaines?
Une chose est sûre, cette forte présence, et surtout le succès des modèles de développement des banques marocaines en Afrique, suscitent de multiples interrogations, dans de nombreux pays.
C’est ainsi que Strategic Forecasting Inc., plus couramment appelé Stratfor, une société privée américaine, créée en 1996 à Austin, et spécialisée dans le domaine du renseignement économique et financier, a examiné les raisons de ce développement en Afrique.
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Pour Stratfor, deux grands facteurs justifient cette expansion. D’abord, la présence des banques marocaines en Afrique facilite grandement les investissements des entreprises marocaines sur le continent, et le développement de leurs échanges avec les opérateurs des pays africains dans lesquels elles sont installées.
Grâce à cette expansion, les banques marocaines sont aujourd’hui implantées dans 22 pays africains, avec autant de filiales, sachant que dans certains pays, on note les présences des trois plus importantes banques marocaines: Attijariwafa bank, Banque Populaire et BMCE Bank of Africa.
Après l’Afrique de l’ouest, centrale, l’Afrique du nord, les banques marocaines ciblent désormais l’Afrique de l’Est: le Rwanda, le Kenya, l'Ethiopie, etc., après s’être récemment implantées à Madagascar et à l'île Maurice.
Ainsi, les banques marocaines contribuent fortement à l’accès des marchés africains, très lucratifs. Des marchés où la classe moyenne devrait croître très fortement dans les années à venir.
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Cette présence des banques marocaines facilite l’implantation des entreprises marocaines à la recherche de débouchés en Afrique. Ainsi, plusieurs entreprises marocaines se sont implantées en Afrique, en bénéficiant des réseaux et du concours des banques marocaines déjà implantées.
Aujourd’hui, plusieurs entreprises marocaines sont présentes en Afrique: Maroc Telecom, le groupe OCP, Addoha, Ciments d’Afrique, Alliances, Palmeraie développement, SCR, Wafa Assurance, RMA Watanya, Saham Assurance, etc.
Le groupe OCP construit ainsi une grande unité d’engrais en Ethiopie, pour un investissement total de 3,6 milliards de dollars. Il construit aussi actuellement d’autres unités similaires en Côte d’Ivoire, au Nigeria, et dans d'autres pays du continent.
Avec l’expansion des entreprises et le développement des courants d’affaires avec les pays africains, grandement facilités par la présence des banques marocaines, le Maroc se donne, de cette manière, des relais de croissance pour son économie, indique Stratfor.
A titre d’exemple, face à la maturité des marchés bancaires et télécoms marocains, aujourd’hui, plus du tiers des bénéfices des banques et de Maroc Telecom, premier opérateur de téléphonie au Maroc, viennent d’Afrique.
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En outre, le développement des courant d’échanges avec l’Afrique permet au Maroc de diversifier ses débouchés et de réduire sa dépendance vis-à-vis du marché européen, qui connaît un net ralentissement depuis quelques années.
«L’Afrique subsaharienne, avec sa population en pleine expansion, sa classe moyenne croissante et sa proximité géographique, offre une opportunité idéale», soulignent les analystes de Stratfor.
En outre, grâce à la forte présence désormais des banques et entreprises marocaines dans le continent, et avec les négociations d’accords de libre-échange (ZLECA, adhésion à la CEDEAO, etc.), plusieurs firmes étrangères sont aujourd'hui incitées à accroitre leurs investissements au Maroc, pour mieux pénétrer les marchés africains.
«Le Maroc a l’intention de s’imposer comme un lien majeur entre l’Europe et l’Afrique», souligne le cabinet de renseignement américain.
Tout cela explique, en partie, les implantations d’entreprises européennes au Maroc dans le but de gagner des parts de marché en Afrique, en bénéficiant de la connaissance du Maroc de ces marchés, ainsi que des accords signés par le Royaume avec certains pays du continent.
«Les récentes guerres commerciales entraînant une augmentation des tarifs douaniers et la stagnation économiques des pays en développement ont commencé à menacer les niveaux actuels d’exportation de véhicules automobiles. Les constructeurs automobiles espèrent que l’intégration économiques du Maroc avec l’Afrique subsahariennes servira de support à l’établissement de nouveaux marchés», expliquent les analystes de Stratfor.
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Ainsi, le Maroc bénéficie de son expansion en Afrique en devenant la porte d’entrée privilégiée des constructeurs européens. Renault, le groupe PSA et Fiat ont déjà franchi le pas, faisant du Maroc le premier constructeur automobile du continent, qui supplante désormais l’Afrique du Sud.
D’autres constructeurs, dont le chinois BYD, comptent suivre le mouvement pour bénéficier, eux aussi, de l’écosystème automobile mis en place au Maroc, des incitations fiscales du royaume, et de bien d'autres avantages, notamment une proximité géographique avec l’Europe, pour profiter, à terme, des débouchés que constitueront les marchés africains.
Selon Stratfor, cette expansion des banques marocaines est aussi le fruit des réformes structurantes entreprises par le Royaume depuis le début du règne du roi Mohammed VI, qui ont contribué au développement économique du Maroc et à la création de champions nationaux, notamment dans le domaine bancaire, tels Attijariwafa bank.
Le groupe bancaire est ainsi devenu, en quelques années, la première banque africaine, hors Afrique du Sud, à participer au développement de nombreuses infrastructures (autoroutes, chemins de fer, etc.), à la diversification de l’économie marocaine avec le développement de nouveaux secteurs (automobile, aéronautique, etc.), l’expansion du secteur touristique, le développement énergétique, etc.
Autant de facteurs qui ont contribué à construire une économie relativement forte et diversifiée au Maro, avec des ramifications sur le continent.
En outre, cette expansion a été facilitée par la perte de vitesse des banques européennes, particulièrement françaises, en Afrique. Les banques marocains ont profité de cet état de fait pour acquérir les filiales de grands groupes français, qui se sont désengagés du continent, tout particulièrement dès lors de la crise des subprimes, en 2008, pour se recentrer sur leurs actifs dans les marchés développés.
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Ces nombreux facteurs font du Maroc un des acteurs du développement économique de l'Afrique de l’ouest et centrale et justifient également la volonté du Maroc d'adhérer à la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
Cette adhésion permettra au Royaume de bénéficier d’un marché de 15 pays, cumulant 350 millions de consommateurs, pour un PIB global de 750 milliards de dollars. L'entrée du Maroc au sein de la CEDEAO faciliterait grandement les échanges commerciaux grâce à la forte présence des banques marocaines dans cette région, où elles sont, de loin, les plus présentes et leaders de ces marchés.
D'ores et déjà signataire de l’accord de Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca), le Maroc sera certainement un des grands bénéficiaires de l’ouverture économique des frontières africaines, car, outre la forte présence de ses banques et de ses entreprises, il bénéficie d’une économie plus diversifiée, et bien plus compétitives que celle de nombre de pays africains, qu'il a désormais aujourd'hui vocation à accompagner dans leur développement. .
Grâce à ses banques et à ses entreprises, le Maroc est un acteur économique indéniable en Afrique et entend aussi faire entendre sa voix au niveau politique depuis son retour en 2017 au sein de l’Union africaine, démontrant que la géopolitique et l’influence économique vont de paire.