Allocations touristiques en Afrique du Nord: le Maroc champion, l’Algérie bon dernier

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Le 02/06/2024 à 16h35

Combien peut percevoir un citoyen d’un des pays d’Afrique du Nord, Egypte et Mauritanie comprises, comme allocation de voyage pour ses déplacements à l’étranger? De fortes disparités dans le montant de la dotation touristique caractérisent cette région, où le Maroc s’arroge le plus haut montant alors que l’Algérie, pays pétrolier et gazier, n’offre qu’un montant plus que dérisoire à ses citoyens qui souhaitent voyager à l’étranger. Décryptage.

Les monnaies des pays d’Afrique du Nord n’étant pas des devises, les ressortissants de ces pays -Algérie, Egypte, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie- ont besoin d’allocations en devises, ou dotations touristiques, pour voyager à l’étranger.

Au niveau des pays de l’Afrique du Nord, à l’instar d’autres pays du continent, les citoyens désireux de voyager à l’étranger se voient imposer un montant maximal annuel de devises qu’ils peuvent emporter avec eux pour couvrir les dépenses occasionnées par le voyage dont les frais de transport, d’hébergement, de nourriture et autres frais liés au séjour touristique.

Ces dotations touristiques sont accordées aux citoyens et aux étrangers ayant la qualité de résidents dans les pays de la région.

Il ressort des comparaisons que Marocains, Algériens, Egyptiens, Tunisiens, Mauritaniens et Libyens connaissent des fortunes diverses en matière d’allocations touristiques. Non seulement les écarts entre les pays de la région sont exceptionnellement importants, mais ils se creusent d’année en année.

Globalement, les montants alloués aux ressortissants des pays de la région varient d’un maximum annuel possible de 30.000 dollars offerts aux ressortissants marocains à un montant ridicule de 111 dollars accordés aux Algériens.

Ces montants fixés en monnaies locales par les autorités (office des changes, Banque centrale…) s’apprécient ou se déprécient en fonction de l’évolution du taux de change vis-à-vis des devises étrangères (dollar, euro…) et l’usage fait du montant en devises peut aussi se déprécier sous l’effet de l’inflation. D’où la nécessité de réévaluer de manière continuelle le montant de l’allocation touristique pour tenir compte de ces deux facteurs. Malheureusement, si certains pays réajustent ce montant continuellement, d’autres préfèrent le statu quo, finissant par rendre ce montant ridicule. C’est le cas de l’Algérie où ce montant n’a pas varié d’un iota en dinars depuis septembre 1997.

Maroc, le pays le plus généreux envers ses ressortissants avec une dotation de 100 000 à 300 000 dirhams

En matière d’allocations touristiques, les Marocains sont certainement les mieux lotis du continent africain. Au cours de ces dernières années, le montant alloué annuellement aux Marocains qui souhaitent voyager à l’étranger a très fortement augmenté.

Le 1er janvier 2022, la dotation touristique de base a plus que doublée, passant de 45.000 dirhams à 100.000 dirhams, avec un plafond relevé d’un seul coup. Mieux, selon l’Office des changes, «les personnes physiques marocaines résidant au Maroc, les Marocains résidant à l’étranger et les résidents étrangers qui ne disposent pas de revenus transférables et qui ne disposent pas de disponibilités dans leurs comptes en devises ou en dirhams convertibles peuvent bénéficier de la dotation pour voyages personnels, comprenant un montant de base de 100.000 dirhams pouvant être majoré d’un supplément équivalent à 30% de l’IR payé ou prélevé à la source au cours de l’année précédente. Le montant total ne doit pas dépasser 300.000 dirhams par personne et par année civile».

Ce montant fait que le Maroc est le pays le plus généreux en matière d’allocation touristique au niveau du continent.

En outre, contrairement à la Tunisie et à l’Algérie, le Maroc ne fait pas de distinction entre adultes et enfants, pour la dotation touristique.

Algérie: un montant ridicule de 111 dollars pour les adultes et 55,5 dollars pour les enfants

C’est certainement la plus faible allocation touristique du monde. La dotation touristique, appelée «droit de change pour dépenses liées à des voyages à l’étranger», offerte à un Algérien qui souhaite voyager à l’étranger est de 15.000 dinars algériens. Ce montant fixé en septembre 1997, soit il y a de cela 27 ans, est resté figé depuis lors, malgré la dépréciation continue du dinar algérien et de l’effet de l’inflation. Alors que 1 dollar s’échangeait contre 57,71 dinars à cette date, aujourd’hui il faut débourser, au niveau du marché officiel, 134,74 dinars pour le même dollar. En conséquence, le montant de l’allocation touristique annuelle autorisée en Algérie s’élève actuellement à 111 dollars pour un adulte et 55,5 dollars pour un enfant.

Ce montant ridicule ne peut bien évidement couvrir les dépenses occasionnées par le voyage dont les frais de transport de l’aéroport au lieu d’hébergement, le coût de l’hébergement, la nourriture et d’autres frais liés au séjour à l’étranger. Avec 111 dollars, le touriste algérien qui visite Paris par exemple aura juste de quoi payer les frais de taxi de l’aéroport à son lieu d’hébergement et peut-être une nuitée dans un hôtel de bas de gamme.

Conséquence, les Algériens sont obligés de recourir au marché parallèle de change en vue de se procurer des devises nécessaires pour couvrir les frais de leur séjour à l’extérieur des frontières algériennes.

Conséquence, les Algériens ne cessent de solliciter la réévaluation de cette ridicule dotation touristique.

En 2019, le président algérien Abdelmadjid Tebboune, encore en campagne électorale, avait promis qu’il augmentera l’allocation touristique à 1.500 euros «pour préserver la dignité des Algériens». Après bientôt cinq ans au pouvoir, cette promesse n’a toujours pas été tenue. Il vient de se rappeler, à la veille du lancement de sa campagne pour sa réélection en septembre 2024, de cette promesse. Et pour cause, la seule chose qui compte chez Tebboune c’est la préservation des avoirs en devises, au détriment du bonheur des Algériens qu’il prive de voyages à l’étranger et de nombreux produits interdits d’importation.

La différence frappante entre la dotation offerte aux Marocains (de 10.000 à 30.000 dollars) et celle offerte aux Algériens adultes (111 dollars), soit 90 fois et 2703 fois inférieur à celle du Marocain, alimente le frustration des voyageurs algériens qui ont exprimé leur mécontentement. Portée à plusieurs reprises au Parlement, cette requête a été écartée aussi cette année.

Les Algériens sont d’autant plus frustrés que le président ne cesse de vanter les performances de l’économie algérienne dont la «richesse augmente de manière vertigineuse», selon les indicateurs confectionnées par le régime en place.

En attendant, les Algériens recourent au marché parallèle pour se procurer des devises nécessaires à leur déplacement à l’étranger. Seulement, sur ce marché, qui est le véritable baromètre du taux de change en Algérie, il faut débourser 224 dinars pour 1 dollar, rendant plus coûteux le déplacement à l’étranger. Ainsi, les Algériens qui souhaitent séjourner à l’étranger sont soumis à une double peine : un montant dérisoire de dotation touristique et un taux de change très défavorable sur le marché parallèle. Une situation qui restreint les déplacements des Algériens à l’étranger et leur focalisation sur le marché tunisien voisin pour changer d’air.

Tunisie: une dotation qui s’amenuise à cause de la dépréciation du dinar tunisien

En Tunisie, l’allocation touristique est fixée à 6000 dinars tunisiens pour les adultes (3000 dinars pour les enfants), soit 1.930 dollars ou 1.775 euros. Seulement, ce montant qui est passé de 4.000 à 6.000 dinars en 2009 a subi l’effet de la forte dépréciation du dinar tunisien vis-à-vis des devises étrangères. A titre d’exemple, à cette date, 1 euro s’échangeait contre 1,9 dinar tunisien. Actuellement, il faut débourser 3,38 dinars pour le même euro, soit une dépréciation de 78% sur la période. Cette dépréciation du dinar s’explique par la crise économique et financière que la Tunisie traverse depuis 15 ans. Et du coup, malgré les demandes d’augmentation de cette allocation touristique, les autorités tunisiennes font la sourde oreille.

Conséquence, à dotation égale sur les deux période (2009 et 2024), le touriste tunisien a vu son pouvoir d’achat à l’étranger chuter très fortement au cours de ces 8 dernières années.

Du coup, vu la modestie de la somme pour un séjour à l’étranger, notamment dans un pays européen, principale destination des touristes tunisiens, en plus de la dotation touristique légale, les Tunisiens recourent au marché parallèle pour se procurer en devises nécessaires pour leur séjour à l’étranger.

A noter qu’en 2023, les allocations touristiques ont représenté 56% des dépenses de voyages enregistrées en 2023, soit 1,38 milliard de dinars tunisiens (408 millions d’euros).

Egypte: une dotation annuelle de 10.000 dollars

Derrière le Maroc, c’est certainement le pays qui offre la plus grosse allocation touristique à ses ressortissants. En effet, selon la loi douanière n°207 de 2020 et ses règlements d’application publiées par la résolution N°430 de 2021 du ministère des Finances, le montant en espèce de l’allocation touristique accordé aux égyptiens qui souhaitent se rendre à l’étranger ne doit pas dépasser 10.000 dollars ou son équivalent dans toute autre devise étrangère (euro, livre sterling…). L’Egyptien et/ou l’étranger résident a aussi la possibilité d’emporter avec lui un montant n’excédant pas 5000 livres égyptiennes.

Libye: une dotation annuelle de 10.000 dollars

Selon une circulaire de la Banque centrale de Libye relative aux contrôles réglementant l’entrée et la sortie de devises locales et étrangères en Libye de 2014, le montant de l’allocation touristique est fixé à 10.000 dollars ou son équivalent dans d’autres devises étrangères. Tout dépassement doit être divulgué par le biais d’une déclaration en douane conformément aux procédures établies.

Le règlement stipule aussi que le citoyen peut aussi sortir un montant en monnaie locale ne dépassant pas les 200 dinars libyens.

Mauritanie: 7600 dollars d’allocation touristique par an

En Mauritanie, selon l’instruction 007 de 2012 de la Banque centrale, le seuil de l’allocation de voyage est porté à un maximum de la contre-valeur de 3 millions d’ouguiyas, soit l’équivalent de 7500 dollars par an, contre 1 million d’ouguiyas auparavant. Cette forte hausse a permis de compenser, en partie, la forte dépréciation de l’ouguiya locale vis-à-vis des devises étrangères. Un montant qui permet aux Mauritaniens séjournant à l’étranger de répondre aux dépenses relatives à leur séjour.

Voici le montant des dotations touristiques des pays d’Afrique du Nord (taux de change du 30 juin 2024)

RangPaysDotation en monnaies localesDotation en dollars
1erMaroc100 000 à 300 000 dirhams10.000 à 30.000
2eEgypte472 000 livres égyptiennes10.000
3eLibye48.500 dinars libyens10.000
4eMauritanie3 000 000 ouguiyas7.500
5eTunisie6.000 dinars tunisiens1.930
6eAlgérie15.000 dinars algériens111

Source: diverses sources (Offices des changes, Douanes et Banques centrales-).

Par Moussa Diop
Le 02/06/2024 à 16h35