Si la Kalashnikov est l’arme la plus utilisée dans le monde et en Afrique, en tant qu’arme légère, aujourd’hui, c’est tout le secteur militaire russe qui devient le principal axe de progression et d’influence du Kremlin sur le continent africain. Ventes d’armes allant de la Kalashnikov aux sous-marins, en passant par des armes lourdes, missiles et avions, envoi de mercenaires et signatures d’accords de coopération militaire entre la Russie et les pays africains se multiplient.
Dernière en date, la signature d’un accord de coopération militaire stratégique entre le Nigeria, première puissance économique africaine et client historique des Etats-Unis et des pays européens, et la Russie. Un accord qui montre que la Russie diversifie sa clientèle en dehors du cercle des pays jadis idéologiquement proches de l’ex-URSS.
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Du coup, après une baisse notable des exportations d’armes russes suite à la dislocation de l’ex-URSS en fin 1991, la Russie a repris ses exportations d’armes vers l’Afrique timidement avant que celles-ci ne commencent à croître de manière sensible au début des années 2000, dans le sillage du retour de la Russie sur la scène africaine, pour s’affirmer ensuite comme leader en tant que fournisseur d’armes du continent à la fin des années 2000.
Et selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), l’Afrique a dépensé 41,2 milliards de dollars en armes en 2019 dont 23,5 milliards de dollars par les pays d’Afrique du Nord.
En détail, sur la période 2014-2019, la Russie a supplanté les principaux fournisseurs d’armes en Afrique -Etats-Unis, Chine et France- pour devenir le principal fournisseur d’armes du continent. Elle détient selon cette institution, 49% du marché de l’armement africain. Très loin derrière suivent les Etats-Unis (14%), la Chine (13%), la France (6,1%),…
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Il faut reconnaître que pour son retour sur le continent, la Russie partait avec un avantage certain hérité de l’ex-URSS qui disposait des pays satellites et idéologiquement proches et qui se fournissaient en armes prioritairement auprès d’elle. C’est le cas particulièrement de l’Algérie, de l’Angola, de l'Egypte et de nombreux pays d’Afrique australe. Des pays qui sont restés de fidèles clients de la Russie après l’explosion de l’URSS et qui figurent parmi les principaux acheteurs d’armes du continent.
L’Algérie et l’Egypte qui consacrent les plus gros budgets en achat d’armements du continent africain sont les principaux clients des fabricants d’armes russes.
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Plusieurs facteurs expliquent cette nouvelle domination des fabricants d’armes russes sur le continent. D’abord, il y a l’héritage historique entre l’URSS et de nombreux pays africains dont l’Algérie, l’Egypte, l’Angola, Ethiopie,... La Russie a réussi à maintenir les liens après la dislocation de l’URSS en 1991 avec certains gros acheteurs d’armes.
L’Algérie, le premier acheteur d’armes du continent durant ces dernières années, est le plus gros client d’armes de la Russie. Elle achète armes légères, tanks, pièces d’artillerie, hélicoptères, avions de transport et de combat, systèmes de défenses antiaérienne, missiles, navires de guerres et sous-marins auprès des Russes. L’Algérie a acheté, entre 2000 et 2019, 200 types d’avions et d’hélicoptères de transport et de combat et plus de 500 tanks auprès de la Russie, selon DW.
Les achats d’armes par l’Algérie représentent plus de la moitié des achats d’armes du continent africains auprès de la Russie.
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Derrière suivent l’Egypte et l’Angola, deux autres clients traditionnels de la Russie qui lui achètent des armes dont notamment des avions chasseurs et armes lourdes. Les achats d’armes russes sur la période 2009-2018 représentaient 31% des importations d’armes de l’Egypte.
Toutefois, depuis son retour sur l’échiquier africain, la Russie diversifie ses clients sur le continent. Le Soudan, l’Ethiopie, le Nigeria, le Rwanda, le Mali, le Cameroun,… figurent de plus en plus parmi ses clients. Plus d’une vingtaine de pays africains sont aujourd’hui des acheteurs d’armes russes.
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Ensuite, les tensions entre la Russie et les pays occidentaux et les sanctions sur les achats d’armes russes ont beaucoup encouragé le Kremlin à se tourner vers le continent qu’il avait délaissé depuis l’effritement de l’URSS. Elle est revenue diplomatiquement et économiquement sur le continent en ouvrant des représentations diplomatiques presque dans tous les pays et a multiplié les rencontres pour booster les relations économiques et commerciales avec le continent. Et la présence d’une quarantaine de chefs d’Etats du continent au sommet Afrique-Russie de 2019 à Sotchi illustre clairement le succès du retour russe en Afrique, la diplomatie russe est mise au service de l’industrie de l’armement du pays.
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Ainsi, lors du sommet de Sotchi, les délégations africaines ont été invitées à des expositions d’armes russes: missiles, tanks, artillerie, fusils d’assaut Kalachnikov, avions et hélicoptères de transport e de combat, etc. Le volet militaire a été mis en avant avec la multiplication d’accords de coopération militaires avec de nombreux pays africains. L’accord signé le 25 août avec le Nigeria, un client traditionnel des Etats-Unis, qui compte désormais s’appuyer sur le soutien militaire russe pour faire face à Boko Haram.
L’accord signé entre les deux parties porte sur la vente d’armes et d’équipements militaires, la formation des troupes et le transfert de technologie. Avec cet accord militaire, la Russie devient le partenaire militaire de la première puissance économique du continent en termes de PIB.
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Par ailleurs, la Russie ne se limite pas à fournir des armes. Elle participe aux actions militaires grâce notamment à ses experts militaires et, depuis quelques années, avec les milices de la force du Groupe Wagner. Ceux-ci sont présents en Libye en soutien du maréchal Haftar qui contrôle l’Est libyen, au Centrafrique et probablement bientôt au Mali. En Centrafrique, on note la présence de plusieurs mercenaires du Groupe Wagner assurant la sécurité du chef de l’Etat centrafricain, des instructeurs militaires et des combattants qui ont beaucoup contribué à la défaite de la coalition des rebelles centrafricains qui souhaitaient reprendre le pouvoir à Bangui.
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De plus, pour mieux percer, la Russie met sa diplomatie politique et économique au service de son secteur de l’armement. A titre d’exemple, en 2006, elle n’a pas hésité à effacer une dette de 4,7 milliards de dollars de l’Algérie pour signer illico presto un contrat d’armement portant sur un montant de 7,5 milliards de dollars. Cette opération d’effacement de dettes anciennes, datant souvent de l’ère soviétique, est un argument utilisé par la Russie pour faciliter de nouveaux contrats d’achat d’armes. L’Angola a bénéficié lui aussi en 1996 d'une annulation de 70% des 5 milliards de dollars de dette angolaise vis-à-vis de la Russie. Une dette héritée de l’ère soviétique.
De même, pour les pays fidèles qui ne disposent pas de cashs, la Russie n’hésite pas à accorder des prêts colossaux pour l’achat d’armes, notamment pour les pays pétroliers. Mieux, le troc est aussi utilisé dans certains cas. C’est le cas de la Centrafrique où les armes et la présence des mercenaires de la force Wagner sont financés, en partie, par l’exploitation du diamant par l’entreprise Lobaye Invest, société d’extraction minière enregistrée en Centrafrique.
Les pays africains aussi trouvent leurs comptes dans les achats d’armes russes. Outre la qualité de celles-ci reconnues mondialement et dont la Kalashnikov en est le symbole, les armes russes sont globalement moins coûteuses que celles des Etats-Unis et des pays européens.
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Enfin, et c’est un facteur important, les Russes, contrairement aux Américains, ne sont pas regardants sur certaines questions ayant trait aux droits de l’homme. A titre d’exemple, les Etats-Unis ont bloqué des ventes d’avions de combats non stratégiques au Nigeria durant plusieurs années. La vente d’une douzaine de Super Tucano A-29, commandés par le Nigeria pour un montant de 600 millions de dollars afin de mieux lutter contre Boko Haram, a été bloquée par le Congrès américain suite à une bévue de l’armée de l’air américaine ayant entrainé 90 morts dans un camp de déplacés. En 2014, les Etats-Unis ont aussi refusé la livraison d’hélicoptères d’attaque à l’armée nigériane accusée de violation des droits de l’homme.
Frustrée, l’armée nigériane a passé commande chez les Russes et a reçu rapidement 6 hélicoptères de combat russes Mi-35M.
Tout dernièrement, c’est la livraison d’un avion militaire de transport Casa C-295 du Mali qui est bloqué par les Etats-Unis au motif «d’allégation d’utilisation d’enfants soldats par le Gatia», une milice pro-gouvernementale accusée de «crimes de guerre».
La Russie ne voit pas d’objections à la vente d’armes pour des raisons liées au respect des droits de l’homme. D’ailleurs, en 2008, elle n’a pas hésité à opposer son droit de veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unis sur l’embargo d’armes contre le Zimbabwe.
Ce sont tous ces facteurs qui font que les Russes pèsent désormais la moitié des ventes d’armes vers le continent africain. Et la tendance devrait se confirmer dans les années à venir avec la présence de plus en plus visible des Russes sur le continent au moment où certaines anciennes puissances coloniales (France, Royaume-Uni,…) sont de plus en plus contestées.