Si le processus d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne patine, les Turcs semblent avoir fait de l’Afrique le centre de leur priorité, et ce depuis mi-2000, avec l’arrivée au pouvoir du parti AKP (parti islamo-conservateur). C’est Erdogan, alors Premier ministre qui a ouvert le bal en se rendant en Ethiopie en 2005 -déclarée "Année de l'Afrique"- dans le cadre d’un périple africain marquant le début d’une offensive diplomatique et économique qui porte ses fruits.
Illustration de l’intérêt turc pour l’Afrique, en l’espace de 3 mois -décembre 2017 et févier 2018-, Erdogan a entrepris 2 tournées africaines qui l’ont mené dans sept pays –Tchad, Soudan, Tunisie, Algérie, Mauritanie, Sénégal et Mali.
Cette offensive mêlant diplomatie et économie fait que la Turquie est devenue en quinze ans un acteur incontournable en Afrique.
La diplomatie turque: 30 pays africains visités
Du 26 février au 2 mars 2018, le président turc Recep Tayyip Erdogan a effectué son second périple africain en l’espace de trois mois en visitant l’Algérie, la Mauritanie, le Sénégal et le Mali, après celui de décembre qui l’avait mené au Tchad, au Soudan et en Tunisie. En tout, Erdogan s’est rendu plus de 34 fois en Afrique entre 2005 -date de son premier périple africain (Ethiopie, Afrique du Sud, Maroc et Tunisie)- et 2018, visitant 30 pays du continent, en tant que Premier ministre puis comme président de la Turquie. Ce qu’aucun dirigeant d’un pays occidental n’a jamais réalisé jusqu’à présent.
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Cette offensive diplomatique est accompagnée par l’ouverture de représentations diplomatiques. Ainsi, le nombre d’ambassades turques en Afrique est-il passé de 12 en 2003 à 41 en 2017.
Dans le même sillage, le pays est devenu un partenaire de l’Union africaine en obtenant le statut de membre non régional de la Banque africaine de développement (BAD).
Et pour consolider ce partenariat, la Turquie a organisé deux sommets Turquie-Afrique à Istanbul 2008) et à Malabo (2014). Un troisième est en cours de préparation et aura lieu en 2019.
Les échanges commerciaux ont explosé
L’offensive diplomatique turque a permis d’enclencher des relations commerciales et des investissements directs étrangers entre la Turquie et le continent africain. En effet, le pays a conclu des accords commerciaux et économiques avec 45 pays africains. Et chaque déplacement du président turc, accompagné de nombreux ministres occupant des portefeuilles clés (Economie & finances, Agriculture, Tourisme, Commerce, Energie, etc.), est l’occasion de signer des accords de coopération et mémorandums d’ententes.
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En plus des sommets Turquie-Afrique, les forums d’affaires se sont multipliés entre les deux parties au cours de ces dernières années. A ce titre, il faut souligner qu’Istanbul a accueilli les 12 et 13 février dernier le premier Forum économique Turquie-CEDEAO. La région d'Afrique de l'Ouest avec ses 340 millions de consommateurs et un PIB proche de celui de la Turquie est aujourd’hui la priorité de la politique d’expansion turque en Afrique.
Ces forums ont permis d’accroître sensiblement les échanges commerciaux entre les deux parties. Ceux-ci ont été multipliés par six en quinze ans, passant de 3 milliards de dollars en 2003 à 17,5 milliards de dollars en 2017. L’Afrique représente ainsi 21% du volume d’affaires réalisé par les entreprises turques à l’international. Les ambitions turques sont de porter les échanges avec le continent à 100 milliards de dollars à l’horizon 2022.
Investissements et marchés pour les entreprises turques
Parallèlement, les entreprises turques multiplient les implantations au sein du continent et y gagnent de plus en plus de marchés, notamment au niveau du secteur stratégique des BTP qui accuse des déficits énormes en termes d’infrastructures.
Le niveau des investissements directs réalisés par les entreprises turques en Afrique est ainsi passé de 100 millions de dollars en 2003 à 6,5 milliards en 2017. On compte plus d’un millier d’entreprises turques opérant en Afrique (Arçelik, Ayka Textile, Summa & Limmak Holding, Turkish airlines, BIM, etc.).
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Outre le BTP, les entreprises turques expérimentées gagnent de nombreux marchés dans les domaines du textile, de l'agroalimentaire, de la santé, de l'électronique, de la transformation, de l'énergie, de l'éducation, et des services.
Au Sénégal, par exemple, ce sont Summa et Limaak Holding qui ont finalisé le chantier de l’aéroport international Blase Diagne (AIBD), inauguré en décembre 2017. Ce sont des entreprises turques qui ont construit le centre international de conférence Abdou Diouf et qui sont en train de finaliser le palais des sports Dakar Arena.
Au total, le volume des projets réalisés par les entreprises turques en Afrique a atteint un total de 55 milliards de dollars.
Outre la diplomatie dynamique turque, les entreprises bénéficient du soutien d’Eximbank Turquie, créée en 1987 et qui joue un rôle clé dans le financement des expansions et des investissements turcs en Afrique.
Turkish Airlines: la première compagnie aérienne «africaine»!
Avec une flotte de plus de 300 appareils, soit le cumul des flottes des 5 premières compagnies aériennes africaines –Ethiopian Airlines, EgyptAir, Royal Air Maroc, Air Algérie et South african Airlines-, Turkish Airlines est un des leviers principaux de l’offensive turque en Afrique. An effet, la compagnie dessert actuellement 52 villes africaines dans 33 pays. Ce qui en fait la première compagnie au monde à couvrir autant de villes au niveau du continent africain, loin devant les grandes compagnies africaines et européennes.
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Ce qui bien entendu facilite les échanges et surtout les déplacements des hommes d’affaires et des expatriés entre la Turquie et les pays du continent.
Ecoles Gûlen et Maarif pour l’expansion de la langue et culture turque
Les écoles Fethullah Gülen ont une très bonne réputation en Afrique. Implantées dans une trentaine de pays du continent, celles-ci symbolisaient l’excellence en matière de formation. Affiliées au prédicateur Gülen, accusé d’être derrière le putsch manqué de 2016, ces écoles ont été derrière un imbroglio politique entre la Turquie et les pays africains. Ankara a demandé au pays du continent de fermer ces écoles et de les faire passer sous le giron de la Fondation Maarif, proche du pouvoir turc, qui assure désormais la gestion financière et éducative de ces établissements.
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Le feuilleton des écoles Gülen a montré la puissance de la diplomatie turque qui a obligé de nombreux dirigeants africains à se soumettre au diktat d’Ankara. Ces écoles constituent un prolongement de l’expansion de la culture turque en Afrique.
Parallèlement, la Turquie a augmenté le nombre de bourses accordées aux étudiants africains poursuivant leurs études en Turquie.
Enfin, dans le cadre de cette offensive africaine, les Turcs n’oublient pas les investissements dans le social. Ainsi, l’Agence de coopération et de développement turque (TIKA) finance-t-elle de nombreux projets d’infrastructures dans les écoles, les cliniques, l’agriculture, le bâtiment, etc. La Turquie multiplie aussi les accords de défense et a installé sa première base militaire en Afrique en Somalie. Elle souhaite en implanter une autre au Soudan et compte jouer un rôle dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.