Algérie: bientôt la fin des subventions sur les hydrocarbures et l’électricité?

Le 29/07/2019 à 14h31, mis à jour le 30/07/2019 à 19h50

Un projet de loi prévoit la réduction drastique des subventions étatiques dans le secteur énergétique, pour faire face aux déficits des entreprises publiques, notamment la Sonelgaz. En conséquence, les Algériens devront payer des tarifs de gaz, d'électricité et carburant beaucoup plus élevés.

Face aux déficits et à l’endettement inquiétant de la Sonelgaz -Société nationale de l’électricité et du gaz-, l’Etat algérien prépare une baisse drastique de ses subventions étatiques.

La nouvelle loi en préparation prévoit d’indexer les prix de vente des hydrocarbures, du gaz, du GPL et de l’électricité aux coûts de production, auxquels s’ajoutent les taxes prévues pour le raffinage et le transport du pétrole brut.

Le prix du carburant sera indexé au prix du pétrole sur le marché international.

Quant à l’électricité, le consommateur devrait payer le prix réel.

Plus concrètement, les taxes supportées jusqu’à présent par l’Etat sous forme de subventions seront désormais à la charge du consommateur algérien.

Cette situation va fortement alourdir la facture énergétique supportée par le citoyen.

En conséquence, les prix des produits cités ne seront plus fixes, mais évolueront en fonction de celui du marché.

A travers cette mesure, l’Etat souhaite que les entreprises publiques ne soient plus déficitaires et disposent des ressources à même de leur permettre d’assurer leur développement, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

A titre d’exemple, la Sonelgaz, à cause des subventions étatiques accordées aux consommateurs, est aujourd’hui criblée de dettes.

Elle traine en effet une dette colossale de près de 2.400 milliards de dinars, soit environ 18 milliards d’euros.

Cette situation s’explique par la politique de tarification du gaz et de l’électricité mise en place par l’Etat dans le cadre de sa politique visant à acheter la paix sociale à coup de généreuses subventions.

A cause de ces subventions, la tarification énergétique accordée aux citoyens ne couvre pas le coût de revient de la production électrique, laquelle est assurée à hauteur de 99% par le gaz de la Sonatrach.

De fait, la Sonelgaz est obligée de recourir à l’endettement pour faire face à son développement et envisage même de recourir à l’endettement extérieur.

Et pour le PDG de la Sonelgaz, Chaher Boulakhras, «l’endettement extérieur est une option envisagée, en cours d’examen, afin de trouver les conditions les plus confortables et les moins contraignantes» pour le développement de l’entreprise.

Ce plan met l’accent sur les énergies renouvelables, qui représentent actuellement une puissance installée totale de 400 MW, contre une capacité de production de 21.000 MW pour le groupe.

Plus de 98% de l’électricité produite en Algérie actuellement l’est à partir du gaz naturel.

Avec cette réduction drastique des subventions étatiques, les autorités comptent faire face à l’incapacité de l’Etat à financer les énormes déficits des entreprises publiques qui creusent le déficit budgétaire de l’Etat.

Les diverses subventions coûtent presque 12 milliards de dollars, chaque année, à l’Etat algérien.

A titre d’illustration, le déficit budgétaire prévisionnel pour 2019 devrait atteindre 2.436 milliards de dinars, soit 11,6% du PIB.

Financé à hauteur de 1.000 milliards via le recours à la planche à billets, le gouvernement aura du mal à combler le reste sans une réduction des subventions étatiques qui font que l’Algérie pratique les tarifs des hydrocarbures considérés parmi les plus bas du monde, ce qui pousse, en toute logique, au gaspillage de l’énergie.

Autre conséquence logique: cette décision, pour rationnelle qu'elle soit, ne sera pas facile à faire avaler à une population longtemps anesthésiée à coups de généreuses subventions.

L’Etat peut-il faire disparaître ce filet social, connaissant pertinemment son impact sur les catégories les plus vulnérables la société?

Avec les revendications politiques et sociales qui prévalent aujourd'hui, la baisse de ces subventions risque de créer des tensions sociales aux conséquences incalculables, à moins que l'Etat ne mette en place un moyen de ciblage au bénéfices des plus vulnérables. La paix -toute relative, dans l'actuel contexte- le sera sans doute à ce prix. 

Par Karim Zeidane
Le 29/07/2019 à 14h31, mis à jour le 30/07/2019 à 19h50