Algérie: les éléphants blancs de Tebboune pour sauver l'économie

Abdelmadjid Tebboune, président algérien.

Abdelmadjid Tebboune, président algérien. . DR

Le 14/07/2020 à 12h49, mis à jour le 15/07/2020 à 11h44

Revue de presseAbdelmadjid Tebboune dit envisager de grandes réformes économiques et s'appuie pour ce faire sur des idées des années 1970. Il tente aussi et surtout de jeter un œil sur la copie de son voisin marocain pour essayer de faire coûte que coûte comme lui, notamment dans le secteur automobile.

Ce lundi 13 juillet, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a accordé une longue interview au quotidien français L'opinion à l'occasion de laquelle il a abordé plusieurs sujets, à commencer par celui de l'économie bringuebalante de son pays.

Evidemment, à l'image de ses ministres, il a commencé par minimiser la gravité de la situation notamment en ce qui concerne la question cruciale des réserves de change. "Les réserves de change sont estimées à 58 milliards de dollars, sans oublier les apports annuels des hydrocarbures estimés cette année à 27 milliards de dollars", affirme-t-il en réponse à une question sur les raisons de son récent remaniement. 

Une réponse dont l'unique dessein est de cacher la réalité de la situation catastrophique dans laquelle se trouve réellement l'Algérie. En effet, les 58 milliards de dollars correspondent plutôt au niveau des réserves de change en tout début de l'année. Ils exigent une mise à jour à la lumière de la plus sévère crise économique et financière du pays. Selon les prévisions les plus optimistes, l'Algérie ne devrait pas avoir plus de 35 milliards de dollars en réserves d'ici la fin de l'année. Et ce, même en tenant compte des recettes des hydrocarbures qui restent insuffisantes pour renflouer efficacement les caisses de la Banque centrale. 

Car, le vrai problème de l'Algérie est que le pays a toujours estimé être assis sur une manne financière intarissable au point de négliger la diversification de son économie. Ainsi, l'Algérie importe tout, sans rien vendre d'autre que ses hydrocarbures, qui sont d'ailleurs non transformés et donc sans autre valeur ajoutée que l'extraction. 

C'est justement pour pallier ce problème que Tebboune sort de son chapeau les projets toujours annoncés, mais jamais réalisés concrètement. 

"Nous souhaitons substituer autant que possible les importations par de la production locale afin de créer des plus-values, y compris dans le domaine des hydrocarbures", a-t-il dit. Ce qui montre clairement que son logiciel socialiste datant des années 1970 a sérieusement besoin d'une mise à jour.

Car, si la substitution des importations par la production locale était une recette qui marche, il y a longtemps que l'Algérie l'aurait réussie. Elle est contraire à toutes les théories rationnelles du commerce international, notamment à celle des avantages comparatifs qui veut qu'un pays mette plutôt l'accent sur les secteurs où ses propres facteurs de production le rendent rentable.

Par exemple, il ne servira à rien à l'Algérie de vouloir coûte que coûte produire du sucre pour concurrencer l'Australie et le Brésil à coût de subventions et de politiques vouées à l'échec, alors qu'un faible investissement dans une industrie plastique ou de machines-outils prendrait moins de ressources financières pour donner plus de valeur ajoutée. Donc, autant continuer à importer certains produits où elle ne possède que peu d'avantages comparatifs tout en mettant l'accent sur d'autres secteurs qui lui seront nettement plus profitables à l'export.

Cela ne sert non plus à rien de zyeuter la copie du voisin. Car ce n'est pas parce que la politique automobile du Maroc marche que forcément celle de l'Algérie sera couronnée de succès. Car, pour que son voisin marocain puisse commercialiser jusqu'à 500.000 véhicules par an, il a fallu un très long processus et la mise en place d'un véritable éco-système comprenant les sous-traitants, la formation des ressources humaines, les infrastructures portuaires et routières, mais également le cadre juridique et fiscal. Dans ces domaines, L'Algérie se situe à des années-lumière. 

Bien sûr, le fait que le secteur automobile représente 27,3 % de la structure globale des exportations marocaines et qu'il génère près de 8 milliards de dollars en 2019, a de quoi faire saliver Tebboune. Il a d'ailleurs du mal à cacher ce péché capital d'envie. Il le dit clairement: "Nous voulons réaliser plus de valeur ajoutée dans la chaîne automobile, l’agriculture et l’agroalimentaire, l’industrie lourde". Quitte à acheter quelques vieilleries et à faire les emplettes au marché aux puces? Visiblement, il répond par l'affirmative. 

"Dans la loi de finances complémentaire de 2020, nous avons autorisé l’importation d’usines de moins de cinq ans. Beaucoup d’unités de production sont en train de mettre la clé sous la porte en Europe. Elles peuvent avoir une seconde vie en Algérie".

Dans sa volonté de faire comme le Maroc, l'Algérie envisage aussi de faire un port qui sera l'exacte copie de Tanger-Med, ambitionnant de desservir "les pays africains enclavés" comme le Niger et le Mali. Il s'agit donc de mettre au goût du jour le projet du "port d’El Hamdania, en banlieue d’Alger, en partenariat avec la Chine" et surtout de construire le chemin de fer transsaharien devant aller chez ses deux voisins du sud.

Evidemment, l'idée de concurrencer le port de Dakar au Sénégal, de San Pedro en Côte d'Ivoire, d'Accra au Ghana et Lomé au Togo risque d'échouer. Car, le Mali et le Niger ont des liens autrement plus forts avec les pays de la CEDEAO et il serait illusoire de vouloir dresser le projet d'El Hamdania en concurrent. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 14/07/2020 à 12h49, mis à jour le 15/07/2020 à 11h44