Algérie. Automobile: les conditions du nouveau cahier des charges handicapantes pour les investisseurs

Une unité de montage automobile.

Une unité de montage automobile.. DR

Le 20/07/2020 à 12h19, mis à jour le 21/07/2020 à 10h56

Les grandes lignes du nouveau cahier des charges du secteur du montage automobile sont connues. Et les conditions d'intégration du contenu local auxquelles seront soumis les nouveaux investisseurs dans le domaine laissent présager un nouveau fiasco.

Souhaitant mettre fin à un fiasco notoire et obnubilés par le succès de l’industrie automobile marocaine qu'ils souhaitent copier et dont ils envient le taux d'intégration, les dirigeants algériens viennent de mettre en place un nouveau cahier des charges pour encadrer l’industrie automobile.

Vu le contenu de celui-ci, on peut d’ores et déjà estimer que l’envol de l’industrie du montage automobile algérien n'est pas pour demain. Les conditions auxquelles sont soumis les investisseurs dans le secteur sont draconiennes.

Première condition, les investisseurs locaux doivent prouver une expérience de 5 ans dans le domaine de la production industrielle et ne pas faire l’objet de violation antérieure des lois et dans la gestion. Autrement dit, tous les oligarques qui s’étaient engagés dans le secteur sont hors jeu. Ce qui signifie qu’il faudra relancer le secteur avec uniquement de nouveaux acteurs, ou presque.

Parmi les hommes d’affaires que les autorités essaient d’attirer dans le secteur figure en bonne place Issab Rebrab, reçu dernièrement par le ministre de l’Industrie et des mines, Ferhat Aït Ali Braham.

Une autre condition du cahier des charges risque de décourager certains opérateurs locaux. En effet, celui-ci interdit à tout investisseur la fabrication de plus de deux marques dans un seul site.

Enfin, ce qui risque le plus de bloquer la reprise du secteur est l’exigence d’un taux d’intégration élevé, et ce dès la première année. En effet, le cahier des charges stimule que le taux d’intégration doit être au moins de 30% au démarrage du projet. Une situation qui sera impossible à réaliser en l’absence de sous-traitants et de fournisseurs automobiles sur place. Ce qui est actuellement le cas. Du coup, pour relancer le secteur, il faudra au préalable que les candidats à l’implantation attirent en Algérie leurs fournisseurs et sous-traitants. Ce qui ne sera pas facile dans le contexte actuel. D’ailleurs, en février dernier, le ministre de l’Industrie et des mines, Ferhat Aït Ali Braham, avait lui-même reconnu qu’un taux d’intégration de «30% d’intrants locaux est un taux quasiment impossible, sauf si on construit la carrosserie localement».

Et ce taux d’intégration de départ doit par la suite connaître une croissance rapide pour atteindre 35% lors de la troisième année, 40% lors de la quatrième année et 50% à partir de la cinquième année.

En clair, les conditions d’intégration locale seront impossibles à respecter par les opérateurs au départ, sachant qu’il faut construire tout l’écosystème automobile algérien qui est actuellement inexistant.

Certes, il fallait mettre fin à la duperie des oligarques du secteur qui ne faisaient que monter des kits d’assemblage automobiles CKD/SKD sans valeur ajoutée locale. Toutefois, il fallait également partir sur des bases réalistes pour asseoir une véritable industrie de montage automobile.

Partant des nouvelles conditions mises en place, beaucoup d’opérateurs risquent de continuer avec l’ancienne formule en important des kits automobiles pour les monter localement avec un très faible taux d’intégration, même s’ils doivent se passer des avantages douaniers, pourvu qu’ils parviennent à être compétitifs face aux importations de véhicules neufs.

Par Karim Zeidane
Le 20/07/2020 à 12h19, mis à jour le 21/07/2020 à 10h56