Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, n’a cessé de marteler depuis mai 2020, à qui veut l’entendre, que l’Algérie est en train de réussir son pari agricole. Il répète, en effet, à tout va, que la production a atteint plus de 25 milliards de dollars en 2020, permettant au pays de réduire sa facture des importations alimentaires.
"Les recettes accumulées par l’agriculture sont pour la première fois supérieures à celles engrangées par les hydrocarbures. Elles sont de l’ordre de 25 milliards de dollars pour l’agriculture alors qu’elles ne sont que de 23 milliards de dollars pour le pétrole", s’était félicité le Président. Avec un tel montant, les importations de produits alimentaires ont largement baissé, a t-il souligné dans sa dernière sortie face aux édias algériens.
Et pour embellir davantage la situation, le Président avait souligné que la production agricole allait être prolongée par les industries de transformation expliquant que son gouvernement comptait acquérir des usines à l’étranger, clé en main, pour transformer la production locale et réduire encore la facture des importations.
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Seulement, aucune personne n’a cru aux dires du Président ni aux chiffres avancés, d’une énormité grossière. Et que produit réellement l'Algérie pour atteindre un tel chiffre, elle qui importe presque tout?
Akil Moussouni, expert d’un cabinet de recherche et développement citoyen, a apporté la preuve que ces chiffres sont alambiqués, dans un entretien accordé au site Algérie Eco. "Nous sommes scandalisés à l’idée qu’un ministre de l’Agriculture qui ne dispose d’aucune information viable, compte tenu du caractère informel de son secteur, pour lequel il n’a produit aucune politique de développement et de normalisation, déclare contre toute logique et bon sens, à travers son directeur des statistiques, que l’agriculture algérienne a engrangé en 2019 une production de 29,1 milliards de dollars, en progression par rapport à 2018 qui avait enregistré 28 milliards de dollars", a souligné l’expert.
D’après Aki Moussouni, avec le chiffre annoncé par le président de 25 milliards de dollars, l’Algérie avec ses 8 millions d’hectares, afficherait donc un rendement de 3.125 dollars à l’hectare.
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Seulement, avec ce rendement, l’Algérie figurerait parmi les pays les plus performants au niveau agricole et ferait mieux que la grande partie des puissances agricoles mondiales. L’expert explique que les 27 pays européens affichent un rendement de 2.662 dollars à l’hectare alors que le Brésil et ses 80 millions d’hectares, soit 10 fois celui de l’Algérie, bien irrigués par le plus grand fleuve du monde et ses affluents, ce qui est loin d’être le cas pour l’Algérie qui fait face à un stress hydrique, ne réalise qu’un rendement de 797 dollars à l’hectare.
Pourtant, au-delà des ressources naturelles, sol et eau, ces pays utilisent des techniques et des technologies pour une production intensive loin de celles de l’Algérie où l’agriculture est encore peu développée. Sans compter que sur les 8,5 à 9 millions d’hectares, moins de 2 sont irrigués!
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Partant, souligne l’expert, "l’extrapolation de toutes ces données à travers une approche rationnelle donne une estimation d’environ 5 milliards de dollars", soit, au mieux, cinq fois moins que le chiffre annoncé par le président algérien...
Par ailleurs, cette information avait été démentie par des médias algériens. Selon Algérie-Part, les informations données par Tebboune ont déjà été avancées en septembre 2017 par un ministre de Bouteflika, Abdelkader Bouazghi, ministre de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche, qui avait, à l'époque, avancé que "aujourd’hui, la production nationale a une valeur estimé à plus de 3.000 milliards de dinars (environ 30 milliards de dollars), alors que ce chiffre ne dépassait pas les 500 milliards en 2000".
En clair, Tebboune et son gouvernement n’ont fait que recycler les vielles recettes du régime de Bouteflika qui n'a cessé de tromper son peuple pendant des décennies. Sinon, avec ces productions agricoles réalisées depuis des années, comment le pays est-il aussi dépendant des importations de produits alimentaires?
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Enfin, la sortie d’une récente étude très approfondie réalisée par des chercheurs au Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), relevant de l’Université d’Alger, vient, à son tour, contredire les données avancées par Tebboune sur la production agricole et les importations.
"L’importation est un pilier de l’offre alimentaire en Algérie (…). Les produits importés contribuent à hauteur de 55% des calories consommées par les Algériens, ce qui classe l’Algérie dans le top dix des plus grands importateurs de produits alimentaires au monde", révèlent les chercheurs, soulignant qu’entre 2014 et 2018, les importations de produits alimentaires ont représenté, en moyenne, 19% des importations totales du pays avec une moyenne de 8 milliards de dollars par an!