Depuis plus d'une décennie, le dinar n'en finit pas de dégringoler. D’ailleurs, vis-à-vis du billet vert américain, le dinar algérien a atteint un niveau plancher. Lors de la séance du vendredi 26 mars, sur le marché interbancaire, 1 dollar s’est ainsi échangé à 134,23 dinars.
C’est dire que les dernières assurances du ministre algérien des Finances sur une reprise du dinar algérien vis-à-vis des devises fortes, n'auront certainement pas lieu dans l’immédiat. La chute du dinar ne relève pas, en effet, d'un phénomène conjoncturel, mais d'une tendance lourde, comme l’expliquent les analystes du Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (CARE), un think tank qui a pour mission de contribuer à l’amélioration des condition d’un développement économique et social durable en Algérie.
Selon le CARE, sur les 10 dernières années, le dinar algérien s’est déprécié de 74% de sa valeur par rapport à l’euro et de 42% vis-à-vis du dollar, indique le quotidien Liberté dans sa livraison du samedi 27 mars 2021. Vis-à-vis de l’euro, il fallait, selon les cours de change des devises publiées ce jour-là par le média, 158,44 dinars pour 1 euro.
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La dépréciation est même aujourd'hui beaucoup plus forte, quand on sait qu’il fallait, en 2010, 74,31 dinars pour 1 dollar, et 103,49 dinars pour 1 euro. A la fin de l'année 2020, il fallait 127,95 dinars pour ce même dollar et 150,93 dinars pour 1 euro. Et uniquement par rapport au trois premiers mois de cette année en cours, le dinar s’est encore déprécié, à hauteur de 5%, aussi bien vis-à-vis du dollar que de l’euro.
Rappelons les beaux jours: en 1970, 1 dollar s’échangeait contre seulement 4,94 dinars, et en 1990, il fallait 12,02 dinars pour 1 dollar.
La situation que traverse le cours de la monnaie algérienne ne devrait pas s’inverser ni à court, ni à moyen terme. Et pour cause, selon le Pr Abderrahmane Mebtoul, qui s'est exprimé sur ce sujet épineux pour Algérie1, «la valeur d’une monnaie dépend avant tout du niveau de la production et de la productivité interne, et la capacité d’un pays à pénétrer le marché international et où l’évolution du cours officiel du dinar est fortement corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70%».
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Voici, d'ailleuyrs, une preuve de la corrélation entre l’évolution du dinar et celui des réserves de change, vis-à-vis du dollar: c'est en 2014-2015 que le dinar a enregistré sa plus forte chute, avec un recul de 25%, se dépréciant de 80,57 dinars pour 1 dollar, à 100,40 dinars pour 1 dollar.
Les réserves de change étant déterminantes dans l’évolution du dinar algérien, on comprend alors pourquoi le dinar s’inscrit sur une accélération de sa dépréciation vis-à-vis des devises, dans le sillage de la chute des réserves de change du pays, qui sont passées à 194 milliards de dinars à fin 2013 à moins de 30 milliards de dollars actuellement.
D’ailleurs, pour le Pr Mebtoul, «en cas de baisse drastique des réserves de change à 10-12 milliards de dollars [42 milliards de dollars à fin 2020 contre 194 milliards de dollars en 2013, Ndlr], qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, et le non-retour à la croissance entre 2021-2022, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200-220 dinars pour 1 euro, avec une envolée du cours sur le marché parallèle, la cotation actuelle sur ce marché n’étant pas significative, du fait de l’épidémie du coronavirus qui limite la demande».
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En conséquence, vu la forte dépréciation du dinar depuis le début de l’année, on se demande quel sera le niveau de dépréciation du dinar d’ici fin 2021.
Une chose est en tout cas quasi-certaine, les projections du ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, qui avait annoncé le 13 mars dernier que le dinar sera plus fort à la fin de l’année en cours semblent bien éloignées de la réalité.
La réalité, autrement plus amère, est d’ailleurs logique, à cause de la poursuite de la baisse des réserves de change, mais aussi de la dégradation des indicateurs macro-économiques, dont l’aggravation du déficit budgétaire et du compte courant.
Cette baisse du dinar est d'ailleurs aussi souhaitée par les autorités algériennes, afin d'atténuer le niveau du déficit budgétaire du pays. En effet, la dépréciation du dinar permet de gonfler les recettes fiscales tirées des exportations des hydrocarbures. Celles-ci représentant plus de 50% des ressources budgétaires de l'Etat.
Enfin, le gouvernement a même prévu la poursuite de la dépréciation du dinar par rapport aux devises étrangères durant les prochaines années. Ainsi, la loi de finances 2021 prévoit un recul du dinar vis-à-vis du dollar pour atteindre 142,2 dinars pour 1 dollar à fin 2021, 149,31 dinars pour 1 dollar en 2022 et 156,78 dinars pour 1 dollar en 2023.